Le Moyen-Orient pour les nuls
Rédigé par hamlet le 16 décembre 2015
Une tentative d'explication par le gaz du conflit entre Daech, la Syrie, l'Irak, leurs voisins, et le monde. Autant dire qu'il s'agit d'un raccourci rapide.

En 1971, une poche de gaz a été découverte, dans le golfe persique, répartie moitié-moitié entre le Qatar et l'Iran ("North Dome" pour les Qatariens, et "South Pars" pour les Iraniens). Cette poche, représenterait 20% des réserves de gaz du monde. Le Qatar y a commencé des forages en 1988, pour passer en phase d'exploitation en 1996 et augmenter progressivement sa capacité de production au fil des années. L’Iran, du fait du blocus économique qui le frappait, n'a pu commencer l'exploitation de ce champ que plus tard, mais a rattrapé son retard.
En matière de gaz, l'Europe dispose de trois sources d'approvisionnement : l'Algérie, les champs de la mer du Nord (exploités par le Royaume Uni et la Norvège), et la Russie. Or la Russie, ayant réussi à nouer des liens étroits avec l'Algérie, représente un risque : une coupure du gaz Russe, si elle était également appliquée par l'Algérie, plongerait l'Europe dans une crise énergétique grave. Afin de réduire ce risque, l'Europe a souhaité diversifier ses approvisionnements. Ainsi, la France s'est-elle rapprochée du Qatar (et a relâché le blocus iranien). C'est là que les ennuis commencent...
Le Qatar, considérant avec intérêt le débouché français, a entamé une offensive de charme dès 2007, achetant palaces, clubs de foot, coupes du monde, et quelques politiciens utiles, fournissant à une économie française en déficit chronique des liquidités bienvenues. Et à commencer à planifier la construction d'un gazoduc direct pour distribuer son gaz, via l'Arabie Saoudite et la Turquie, puis rentrant en Europe par les Balkans. Mais pour atteindre la Turquie, il faut passer soit par l'Irak, soit par la Jordanie et la Syrie.
L'Irak étant en guerre, il n'était pas possible d'y envisager la construction d'un gazoduc. Restait donc la Syrie, et en 2009, Qatariens et Saoudiens ont proposé à Bachar el-Assad de construire ce gazoduc sur son territoire.
Cette construction aurait privé la Russie d'une arme stratégique contre l'Europe. Les Russes, puissants alliés des Syriens, ont contraint Assad à refuser.
En conséquence, dès 2010, Qatar et Arabie Saoudite consacrèrent quelques milliards d'euros à la création de milices en Syrie pour entamer un conflit visant à remplacer Assad par un État qui accepterait la construction de ce gazoduc. Ces trois états, à majorité sunnites, financèrent ainsi Al Nosra, branche sunnite d'Al Qaïda en Syrie, avec la bénédiction d'Israël qui voyait d'un bon œil la chute d'Assad, qui ainsi arrêterait de financer le Hezbollah Chiite, qui du coup n'aurait plus eu de financement pour continuer de tirer des roquettes sur Israël.
La guerre civile, profitant du "printemps arabe", s'installe en Syrie en 2011, au début avec l'Armée Syrienne Libre, soutenue directement par la Turquie, puis le Front Islamique, et le Front Al Nostra, dont la France, par la voix de M. Fabius, n'hésite pas à dire que ses soldats "font du bon boulot".
En septembre 2013, les USA, la France et le Royaume uni envoient une flotte de guerre pour appuyer les rebelles syriens et faire chuter Bachar et son régime. La Russie réplique en envoyant plusieurs navires de guerre s'interposer entre la côte syrienne et la coalition qui allait passer à l'attaque.
Les américains ont envoyé deux missiles Tomahawk en reconnaissance, missiles qui ont tous deux été inopérants, brouillés par les contre mesures électroniques de la flottille russe. Impossible de déclencher l'attaque (une attaque classique américaine se passe en trois phases : tomahawk pour détruire les radars anti-avions furtifs, puis avions furtifs pour détruire les défenses anti-aériennes, puis bombardiers classiques). Alors même que les médias annonçaient cette guerre imminente, annoncée par François Hollande, l'Occident a du replier ses moyens, et rentrer piteusement sur ses bases. La guerre fut très vite oubliée des médias.
La revanche de l'Occident eu lieu quelques mois plus tard, en Ukraine, où une révolution fut organisée par les services secrets européens. CIA et DGSE engagèrent quelques centaines de mercenaires des ex pays du pacte de Varsovie pour organiser un coup d’État, qui eut bien lieu, le but premier étant de punir la Russie. L'Ukraine tomba ainsi aux mains d'une junte pro-occidentale dirigée par un milliardaire US d'origine Ukrainienne. La Russie réagit en récupérant la Crimée et en réussissant à utiliser le sentiment pro-russe d'une bonne moitié de l'Ukraine pour entamer là bas une guerre civile. Un avion de ligne abattu dans le ciel ukrainien permit à l'Europe de mettre en place des sanctions économiques contre la Russie, qui ont eu un effet important sur l'économie Russe, diminuant par deux la valeur du rouble par deux face à l'Euro tout comme au dollar. Cependant, la Russie a bien résisté à ce choc.
Pendant ce temps, la guerre continue en Syrie, et Al Nostra accouche d'un monstre, l'Etat Islamique, regroupant tous les Sunnites de la zone de guerre, qui entame une conquête victorieuse d'un territoire comprenant environ la moitié de la Syrie et de l'Irak (quelques implantations aussi en Libye), s'assurant notamment de puits de pétrole, dont la production, pour partie vendue aux marchés occidentaux via la Turquie et Israël, lui permet de financer la guerre. La France, toujours par la voix de M. Fabius continue à défendre son gaz en réclamant d'une manière obsessionnelle le départ d'Assad, sans s'interroger sur l'éventuel après Assad.
L'Iran Chiite, dans le conflit, soutient les pouvoir centraux Irakiens et Syriens. Considérant à juste titre que l'Arabie Saoudite Sunnite finançe l'EI Sunnite aussi bien en Syrie qu'en Irak, décide d'appuyer une révolte armée Chiite au Yemen contre l'Arabie Saoudite, conflit débuté en mars 2015.
En octobre 2015, la Russie décide d'intervenir directement en Syrie pour assister le pouvoir central, en faisant travailler essentiellement son aviation, sans troupes au sol. Et l'espoir changea de camp, le combat changea d'âme : les troupes d'Assad reprenant le dessus, la construction qataro-arabo-turco-sunnisto-européano-atlantiste tombait à l'eau. De plus, l'Etat Islamique et Al Nosra ayant poussé le bouchon un peu plus loin que ce qui était attendu, il devenait de plus en plus difficile pour les démocraties occidentales de continuer à faire croire qu'elles étaient du côté du "bien". Au quai d'Orsay, la ligne Fabius est abandonnée, et on l'envoie s'occuper des fleurs à la COP21 (L'Etat aura la délicate attention d'attendre la fin de la COP pour mettre son fils en prison).
En 2015, un déferlement massif d'immigrés clandestins (dont une partie sont des réfugiés Syriens venant de Turquie et du Liban) est organisé vers l'Europe, d'une part via la Turquie, d'autre part via la Libye, pays dévasté par l'intervention de l'ONU en 2011, intervention instamment soutenue par M. Sarkozy, qui voulait faire oublier qu'une certaine part de ses fonds de campagne en provenaient. Mme Merkel, à la fois pour des questions démographiques, économiques, et cette culpabilité germanique, veut en accueillir un million par an. M. Hollande en veut aussi, puis se ravise. Pour tenter de convaincre la Turquie d'endiguer de flot d'immigrés, l'Europe reprend les négociations d'entrée de la Turquie dans la communauté, en décembre 2015.
Pour résumer le tableau de cette situation brossé à gros traits, certes M. Poutine ne se comporte pas en gentleman en voulant continuer de pouvoir menacer l'Europe d'une coupure de gaz, mais ses méthodes le feraient passer pour un enfant de chœur, à côté des méthodes des Qatariens, des Turcs, et des Saoudiens, marchant la main dans la main avec les US et les Européens, dont les Brits et les Français. Au final, M. Poutine se révèle plus habile que ses adversaires, et l'observateur neutre lui trouvera aussi une supériorité éthique, même si l'éthique ne fait pas explicitement partie des valeurs dites "de la République".

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