Actualité de Nicolas de Hannappes

Rédigé par hamlet le 02 septembre 2018

Jean-Pierre Maugendre rappelait à nos mémoires l'histoire inspirante de Nicolas de Hannappes pendant le siège de Saint Jean d'Acre, posant les bases d'un partage des responsabilités entre pouvoir temporel et pouvoir spirituel. Histoire éminemment instructive, et qu'il est possible d'étendre par uchronie à la gestion des situations sans solution rationnelle.



Le 18 mai 1291, la ville fortifiée de Saint-Jean-d'Acre, ultime port croisé ayant résisté aux assauts des Mamelouks, tombait sous les assauts des troupes du sultan Al Ashraf Khalil. Cette chute marquait la fin de l'aventure des croisades en Orient. Parmi les nombreuses victimes se trouvait le patriarche latin de Jérusalem, Nicolas de Hannappes, religieux dominicain originaire des Ardennes. 

Voici ce qu'écrivait Jean-Pierre Maugendre, dans un article datant de 2016 paru sous le titre "Actualité de Nicolas de Hannapes" :

Pendant toute la durée du siège il avait été héroïque, soutenant le courage et l'ardeur des combattants. À l'heure de la fin, il avait embarqué à bord d'un navire mais, ne pouvant se résoudre à abandonner ses ouailles à leur triste sort, il avait exigé que l'on continuât d'accueillir à bord de son embarcation les fidèles qui fuyaient la ville assiégée. Le vaisseau surchargé finit par sombrer, entraînant dans l'abîme et la mort son équipage, les passagers et le patriarche lui-même.
 

Est-il incongru d'observer que le patriarche, ainsi mu par une compassion aussi puissante que désordonnée, n'avait fait, concrètement, qu'ajouter du malheur au drame en cours ? Quelles leçons tirer de ce tragique événement ? 

La responsabilité des autorités politiques

À bord d’un navire, le responsable devant Dieu et les hommes en est le commandant et pas l’aumônier ni le passager aussi prestigieux et titrés soient-ils. C’est le commandant qui connaît le nombre de personnes que son embarcation peut embarquer. Analogiquement ce sont les autorités politiques et non les autorités ecclésiastiques qui sont en charge de mesurer quelle part de « nouveaux arrivants » peuvent supporter les nations dont elles ont la responsabilité. Le rôle de l’Église est simplement d’exhorter à la générosité comme le fit par exemple Pie XII en 1948 s’adressant aux évêques américains : «La domination de chaque nation bien qu'elle doive être respectée ne peut être exagérée au point que, si un endroit quelconque de la terre offre la possibilité de faire vivre un grand nombre d'hommes, on n'en interdira pas, pour des motifs insuffisants et pour des causes non justifiées l'accès à des étrangers nécessiteux et honnêtes , sauf s'il existe des motifs d'utilité publique, à peser avec le plus grand scrupule ». 

La prudence, vertu politique

La prudence qui est l'appréciation raisonnable des faits est, par excellence, la vertu des chefs. Il n'est pas demandé à une idée d'être généreuse mais d'être juste, c'est-à-dire conforme à la réalité des faits. Notre erreur, cruelle, serait de croire que la bêtise est inoffensive. Concernant l'immigration extra-européenne qui déferle sur notre continent, la prudence recommanderait de ne laisser pénétrer sur notre sol que des populations disposées à s'intégrer à notre civilisation, effectivement victimes de persécution dans leurs pays et en nombre suffisamment faible pour qu'elles soient assimilables. 

La prise de décision juste n'est pas réductible aux grands principes, si généreux soient-ils en apparence, déconnectés de la réalité. Le nombre de passagers que peut embarquer le navire dépend, aussi, de l'état de la mer. Quand Nicolas Sarkozy déclarait à Sofia, le 5 octobre 2007 : «Chaque fois que quelqu'un est humilié, est persécuté, est opprimé, il devient automatiquement Français», la consternation du lecteur le disputait alors à la commisération. 

Nous sommes en guerre

De plus est-il utile de rappeler qu'une partie du monde musulman, en particulier sunnite, nous a déclaré la guerre ? Une réalité s'impose : il n'est pas impossible que parmi les réfugiés musulmans sunnites issus du Moyen-Orient se soient glissés quelques terroristes islamistes. Le souci de cohérence exige que les actions suivent les déclarations et qu'après avoir pris acte de l'état de guerre dans lequel nous nous trouvons les autorités politiques et ecclésiastiques en tirent les conséquences logiques. 

Le catéchisme de l'Église Catholique le rappelle justement § 2241 : «Les nations mieux pourvues sont tenues d'accueillir autant que faire se peut l'étranger en quête de la sécurité et des ressources vitales qu'il ne peut trouver dans son pays d'origine. (…) Les autorités politiques peuvent en vue du bien commun dont elles ont la charge subordonner l'exercice du droit d'immigration à diverses conditions juridiques, notamment au respect des devoirs des migrants à l'égard du pays d'adoption. L'immigré est tenu de respecter avec reconnaissance le patrimoine matériel et spirituel de son pays d'accueil, d'obéir à ses lois et de contribuer à ses charges.» 

Forts de cet enseignement nous voilà habilités à rappeler à tous les héritiers spirituels, l'abnégation et le dévouement en moins, de Nicolas de Hannappes – ecclésiastiques dévoyés ou idéologues déracinés –, que nous ne laisserons pas le navire qui porte le beau nom de France être submergé au-delà de ses capacités d'accueil par des populations qui, loin de fuir le joug islamique, en sont, aujourd'hui, trop souvent les complices. 

Jean-Pierre Maugendre





Il n'est pas interdit, même à ceux qui comme moi portent une immense estime à Jean-Pierre Maugendre, dont la réflexion porte la marque d'un solide bon sens, d'imaginer un sort moins tragique aux passagers de Saint Jean d'Acre.

En effet, pendant ce siège, certains autres navires ont réussi à s'échapper par la mer, et à atteindre Chypre. Si ce dernier bateau a sombré, ce n'est pas seulement parce qu'il était surchargé, mais aussi parce que la mer était mauvaise. Tous les marins vous diront la traîtrise de la mer méditerranée.

Puisque le navire a coulé, les exigences du Patriarche apparaissent comme criminelles. Mais si le navire avait fluctué sans mergiter, ce même Patriarche aurait été porté en triomphe. Une partie de la morale de cette histoire est donc déterminée par la survenue d’événements dont la survenance n'était pas certaine, mais simplement évaluables en terme de probabilités.

Trois éléments sont à considérer. Tout d'abord, le champs des responsabilités. Sur le navire, le Capitaine est seul maître après Dieu, selon l'expression consacrée. Puis la doctrine d'emploi des matériels, qui fixe une capacité d'emport au bateau. Enfin, le jugement prudentiel, appuyé sur l'expérience des marins qui savent au vent et à l'aspect des nuages, quel est l'état de la mer. Ce jugement prudentiel permet si nécessaire, d'outrepasser la doctrine d'emploi, en fonction de l'équilibre risque/bénéfice de l'action envisagée. On pourrait presque y ajouter un quatrième élément, la chance, critère indispensable à Napoléon et à beaucoup d'autres chef de guerre, la fortune d'un Bournazel au burnous écarlate, ou la baraka d'un Général au Petit-Clamart.

Ce 18 mai 1291, donc, le Patriarche a pris la responsabilité d'exiger du Capitaine un appareillage dangereux, tandis que le Capitaine a pris la décision (ou a cédé ?) d'accepter une injonction illégitime du Patriarche. Tous deux connaissaient leurs domaines d'autorité réciproques. Tous deux connaissaient les limites techniques d'utilisation du matériel, du moins le Capitaine a informé le Patriarche de cette donnée technique simple. Reste que tous deux, dans cette décision, ont posé un jugement prudentiel difficile à étayer : l'état de la mer ne laissait probablement pas envisager un naufrage imminent, et les deux protagonistes ne disposaient pas d'informations météorologiques autres que celle liées à l'observation du ciel et de la direction du vent. Les techniques actuelles sont tout de même beaucoup plus précises.

Tous deux ont été sanctionnés par Neptune et Éole, faisant du Capitaine un faible ou un lâche, et du Patriarche un ultra-orthodoxe ou un intégriste, et ce sont les poissons, qui ont dévorés leurs rêves d'égaler Ulysse ou de vibrer d'une ferveur égale à celle des Apôtres.

Mais tout fut perdu, fors l'honneur : c'est leur réunion dans la mort, qui sauve l'honneur des deux protagonistes. En effet, qui pourrait formuler une condamnation définitive de l'un ou de l'autre ? La seule chose qui était nécessaire était qu'ils embarquassent sur la même barcasse, ce qui était la manière la plus simple et la plus franche d'assumer leurs décisions : partager absolument le sort de ceux dont ils avaient la charge. C'est cela, assumer.

C'est dire à quel point le monde politique trouverait profit à méditer l'histoire de Nicolas de Hannapes...


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Macron, séductions et révulsions

Rédigé par hamlet le 18 juin 2017

Beaucoup d'éditorialistes se sont interrogés pour savoir vers où le président Macron voulait emmener le pays. La réponse est-elle si difficile ?

Du temps qu'il était ministre de François Hollande, Emmanuel Macron s'était distingué par une importante capacité de travail. Les images de l'ancien banquier d'affaire, discutant pied à pied et point à point en commission parlementaire, ont marqué les mémoires. Travailleur appliqué mais ministre médiocre, son effort fut sanctionné en proportion inverse des trésors d'énergie qu'il avait dépensé : malgré son adoption par la force - l'utilisation à deux reprises de l'article 49.3 - il serait difficile de démontrer que le résultat global de la loi Macron I soit positif, quand il serait mesurable. A tel point que François Hollande en décida de remettre la loi Macron II aux calendes grecques. C'était prudent.

Pourtant, les plus réfractaires au charme envoûtant du nouveau Président ne pourront refuser de lui reconnaître une remarquable audace. Tenir - et réussir - le pari d'"En Marche", il fallait quand même oser. Ils lui reconnaîtront également, même si elle a été soutenue par le dernier cri des techniques numériques, une habileté peu commune en matière de communication. Emblématique, l'utilisation immodérée du mantra incantatoire "et en même temps", qui lui a permis de parler avec un égal bonheur à ceux qui étaient pour et ceux qui étaient contre. N'est-ce pas cela, "rassembler" ? Et quelle réussite que cette mise en scène de son entrée en fonction, le soir du 7 mai, dans la cour du Louvre, où il avait su utiliser les symboles qui parlent au vieux Pays, et retrouver des accents régaliens qu'on croyait oubliés.

Audace et habileté sont des qualités indiscutables de notre nouveau chef d'État. Pour autant, suffisent-elles ?

Certes, Emmanuel Macron, pendant la campagne présidentielle, a dit à peu près tout et son contraire, entre deux formules vides de sens, et quelquefois niaises. Et jusqu'à ce jour du second tour des législatives, il s'est gardé d'une surexposition médiatique, imposant aux candidats présentés par son parti de faire de même. Ce qui lui permet notamment de masquer l'amateurisme de certains de ses impétrants, et de capitaliser sur l'effet positif du raz-de-marée macronien de l'élection présidentielle. Les images se gravent aussi en creux.

Quelques promesses de campagnes ont été opportunément abandonnées, moins de deux mois après son élection. Ainsi en est-il de la singulière proposition d'un retour au service militaire, ou du moins d'un service militaire réduit à un étiage tellement bas - un mois - qu'il n'aurait pas eu grand chose d'un service, ni rien de militaire. Ainsi est-il possible de parler à l'extrême-droite (le service), à la droite (un seul mois), et à la gauche, qui n'était pas assez aveugle pour ne pas voir que le projet était impossible à réaliser, faute de l'encadrement humain indispensable, et des infrastructures militaires nécessaires, régulièrement aliénées depuis 1996. Les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent.

Quelques affaires auront aussi été opportunément étouffées. Ainsi en est-il de Richard Ferrand. Si les costumes de Fillon lui ont valu une veste taillée sur mesure, les affaires immobilières de Richard Ferrand ont laissé de marbre enquêteurs, moralistes et autres gardiens sourcilleux de la moralité publique, réunis sous le haut-patronage de François Bayrou. Aucune enquête non plus sur les soupçons de détournement de fonds européens touchant ce même François Bayrou, mais aussi Marielle de Sarnez et Sylvie Goulard. Et l'emploi de la femme de Bruno Le Maire ne fera pas non plus l'objet de remarques qui seraient déplacées. En France, monsieur, on respecte les dames.

Le thriller haletant de l'affaire Grégory, vieille de trente ans, concentrant l'attention des médias mainstream, il leur aura été impossible de s'interroger sur quelques sujets intéressants, comme par exemple, les possibles conflits d'intérêts entre l'actuelle ministre de la Santé, Agnès Buzyn, et son statut d'ancienne salariée de laboratoires pharmaceutiques.Ou les approximations dans le casting des législatives : En Marche y avait adopté un processus de sélection tellement sévère que Manuel Valls n'avait pas pu en réussir les épreuves, ce qui n'a pas suffi à éliminer quelques candidats aux casiers judiciaires insolites, ou la présentation de candidats qui ne l'étaient pas, à l'insu de leur plein gré. Ou bien de revenir sur les propos peu amènes tenus par certains ministres du nouveau gouvernement au sujet du nouveau président, et la solidité de convictions qui en découle. Ou encore sur les curiosités des déclarations de patrimoine du Président, dont il est bien le seul à comprendre la cohérence, ou la liste des donateurs de sa campagne, qui doit être particulièrement intéressante.

Il faudra également pardonner à Emmanuel Macron d'avoir utilisé des poncifs éculés et quelque peu insultants, par son triple pèlerinage d'entre les deux tours de la présidentielle. Visage sombre, œil noir, et cravate de même couleur, il s'est rendu à Oradour, puis au mémorial de la Shoah, et enfin à l'endroit où un malheureux marocain, Brahim Bouarram, s'était noyé, poussé par des skinheads, à peu près la même époque que le petit Grégory. Ces démarches assez peu subtiles visaient à rappeler au peuple la noirceur extrême des électeurs de Marine Le Pen, tous fils de nazis, de gardiens de camps de concentration, et ratonneurs amateurs à l'occasion. Le premier tour avait démontré qu'il y en avait 11 millions, c'était énorme, et il y avait tout à craindre du risque que ces gens-là font peser sur la démocratie.

Tout cela, est-ce important ? Pas tellement. Car au delà de l'écume de l'actualité, sur les lignes essentielles, il n'y a aucune surprise à attendre du règne quinquennal d'Emmanuel Macron.

Sur l'Europe, la vision Macronienne, nourrie au mondialisme Bilderbergien (il en fait partie, comme Edouard Philippe ou Sylvie Goulard), va dans le sens d'une intégration toujours plus poussée. En témoigne son projet de budget Européen, qui conduirait, pour simplifier, à ce que les riches payent les dettes des pauvres, dans l'achèvement complet de la perte de la responsabilité budgétaire - ne parlons plus de souveraineté - des nations européennes. Il n'est pas certain que l'excellente Mme Merkel pousse la générosité de l'Allemagne jusqu'à régler les dettes de la Grèce.

Sur l'immigration, aucune modification n'est à attendre. A coups de pratiques discriminatoires, de lois "antiracistes", et d'"opérations de sauvetage", nous allons continuer à faire venir des Africains pour peupler nos banlieues, et demain nos villes. Dès aujourd'hui, la proportion de bébés de souche africaine naissant en Ile-de-France est de l'ordre de 60%. Dès aujourd'hui, les français de souche sont minoritaires, largement, dans certains départements. Cela n'inquiète pas le président Macron, qui, il est vrai, manque un peu de pratique en cette matière : à qui n'a pas d'enfant de son sang, si une telle expression est encore permise, le souci de l'avenir est moins angoissant.

Qui dit immigration parle d'identité. Ce qui n'est pas un sujet pour celui qui dit n'avoir jamais vu la culture française. Qu'il ne soit pas ici fait de mauvais procès : nul n'ignore qu'un certain nombre de chefs-d'œuvres de notre culture sont le fait d'artistes venus d'outre-France. Ce n'est pas de cela dont il s'agit : le problème du président Macron est qu'au fond, il n'est pas sûr qu'il soit Français. Car, nous serons d'accord, être français n'est ni une question de race, ni une question de papiers : or le président Macron est trop progressiste pour être seulement Français. Il est avant tout un concept, neutre et presqu'angélique, d'être humain global, homo economicus globalis, sans racines charnelles, en plus d'être un excellent acteur (il est vrai qu'il a eu la chance de bénéficier d'une remarquable professeur de théâtre). Avec lui, l'expression "les miens" devient un non-sens. Les siens, c'est tout le monde, puisqu'une fois la notion de frontière suffisamment oubliée, le monde n'est plus qu'un vaste espace global : je suis chez moi là où je pose mon sac à dos, ou ma valise Vuitton, selon les réussites sociales. C'est ainsi que tous deviennent apatrides.

S'il est une promesse de campagne qui sera respectée, ce sera celle de la hausse de la CSG. Au moment de l'élection de Giscard, en 1974, la France utilisait 33,5% de son PIB en dépenses publiques. Giscard avait péremptoirement estimé qu'au delà de 40%, le pays entrait en socialisme. Élégant, il s'était attaché à n'atteindre "que" le pourcentage de 39,4% à la fin du mandat qui a vu arriver Mitterrand. Aujourd'hui, nous en sommes à 53 ou 57%, selon les modes de calculs. Allez-vous croire que ces prélèvements extravagants soient le mal nécessaire à une meilleure répartition des richesses ? Que non : si en 1955 il fallait 29 ans à un ouvrier pour atteindre le niveau de vie d'un cadre, il en faut 166 en 2013*. C'est d'ailleurs le reflet de ce qui se passe au niveau mondial.

Si le Président Hollande a mis le pied à l'étrier au Président Macron, il y a un point sur lequel le Nouveau s'oppose à l'Ancien : celui de la Finance. Elle était l'ennemie jurée du premier, disait-il, tandis que le second y cultive de précieuses amitiés. Son message sur l'ISF, pour symbolique qu'il soit, est limpide : cet impôt révolutionnaire sera maintenu, mais les revenus du capital ne seront plus intégrés au calcul. Ce que l'on pourra excuser de la part de l'ancien banquier qu'il fut, tant il est naturel de montrer de la gratitude à son ancien employeur, et de l'amitié à ses anciens collègues. Mais plus loin, Emmanuel Macron n'a pas retenu dans ses objectifs prioritaires de réduire notre déficit budgétaire. Si la faiblesse des taux d'intérêt permet aujourd'hui que la charge de la dette ne soit pas encore au delà de nos capacités de remboursement (à elle seule, aux alentours de 50 milliards d'euros, elle est quand même le deuxième budget de l'État, derrière l'Éducation, et absorbe en totalité l'impôt sur le revenu), il suffirait d'un souffle, d'un rien, pour que ce souffle devienne le dernier soupir de l'économie française. En attendant, le poids de la parole politique diminue chaque jour, devant celle des créanciers.

Macron est discret sur le sujet du chômage. Il faut dire aussi que le chômage est utile : il ne faudrait pas qu'une pression trop forte sur le marché de l'emploi ne soit la cause d'un relèvement des salaires, qui rendrait notre pays moins compétitif. Il est également discret sur le nombre des fonctionnaires, leur productivité, leur niveau de rémunération et de retraite, et les avantages indus dont certains bénéficient, tandis que d'autres, au contraire, sont toujours parmi les damnés de la terre. Le dialogue social reste chose compliquée dans notre pays, le régime des ordonnances va permettre d'y pallier.

Sur les retraites, Macron s'est montré novateur : il a promis qu'il n'y aurait plus qu'un seul régime de retraite, et qu'un euro cotisé rapporterait la même chose au cadre supérieur ou au salarié de base. Mais que cela se traduirait par une baisse de leurs montants. Il est plus que probable que seule la seconde partie de cette promesse se réalise.

En matière sociétale, le Président, réputé très ouvert, est encore plus progressiste que ne le fut Christiane Taubira. Gérald Darma­nin, son ministre de l'action et des comptes publics, anciennement de droite, et maintenant ni de droite ni de gauche, bien au contraire, n'a pas tardé à se faire épingler pour des propos hostiles à la loi Taubira, qu'il avait tenus à l'époque nauséabonde ou il était porte-parole de Nicolas Sarkozy. Il n'est pas certain que les fantaisies érotiques conjugales racontées par Bruno Le Maire, du temps où il émargeait à l'UMP et s'essayait à la littérature, suffisent à calmer les nouveaux inquisiteurs, toujours prêts à brûler de l'homophobe ou à casser du sexiste.

Ce qui change, ce sont les codes, les apparences, le discours, et le personnel politique. C'est l'apparente jeunesse. Macron est une sorte de réincarnation de Giscard, qui en son temps avait séduit la ménagère comme le manager, avec les mêmes arguments, pour aboutir au désastre que l'on sait. Ce qui ne change pas, c'est la ligne de fond, tant qu'il est vrai qu'il faut que "si nous voulons que tout reste tel que c’est, il faut que tout change". Jacques Attali a eu cette appréciation sévère : « De quoi Emmanuel Macron est-il le nom ? − Du vide. Du vide de la politique française. Il n’incarne que le vide de cette gauche qui veut à la fois être au pouvoir et ne pas y être parce qu’elle déteste la gauche de gouvernement. Il est de ceux qui rêvent que la gauche ne soit pas au pouvoir. Emmanuel Macron a un talent fou… Si seulement, il se saisissait d’un programme… »

Les seuls domaines où une amélioration est certaine, en dehors du cynisme politique, ce sont ceux de la communication et de l'image, dont Emmanuel Macron maîtrise parfaitement les codes. Ce qui est à la fois une force, et une faiblesse, car si la victoire d'Emmanuel Macron est due essentiellement à ce savoir-faire et à l'unanimité flagorneuse des médias mainstream, s'il s'avise de dévier de ce que veulent de lui les propriétaires de ces mêmes médias (une dizaine de personnes qui se connaissent et ont des intérêts convergents), l'arme de son succès pourrait aussi devenir la cause de sa chute.

Il reste à reconnaître que la France est maintenant beaucoup mieux représentée par ce Président juvénile au visage angélique, illuminé par un sourire irrésistible, plutôt que par le précédent qui, en plus de faire tomber la pluie, nous infligeait sa cravate de travers, ses manches de chemise tire-bouchonnées, et sa démarche embarrassée de pingouin égaré sur la banquise. Emmanuel Macron a bien compris, à juste titre, qu'une certaine verticalité était nécessaire au pouvoir, qu'il lui fallait renouer avec son antique sacralité, à tel point qu'il avait osé l'idée d'un "président jupitérien". Le lendemain de son élection, certains se sont étonnés qu'il ne guérisse pas les écrouelles. S'il est un peu jeune encore pour endosser le costume du dieu des dieux, force est de reconnaître qu'Emmanuel Macron a quelque chose d'un prince : il n'est pas impossible que ce soit celui du mensonge.

*L'express n°3441 du 14 au 20/06/2017
** Challenges, interview du 13/05/2016

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Pour qui voterez-vous en 2017 ?

Rédigé par hamlet le 04 septembre 2016

Pour 2017, la même question se pose qu'en 2012 : pour qui voter ? Les formations politiques se chargent de faire un premier choix, ce qui n'est pas vraiment démocratique. Mais parmi ceux qui seront dument adoubés par leur formation, est-il un vote nécessaire ou utile à l'homme de droite ?
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Évacuons tout d'abord les questions exégétiques portant pointilleusement sur les points particuliers des programmes.
 
En effet, très peu d'électeurs prennent le soin d'une lecture, même rapide, du détail des programmes. Nous votons sur l'image et les croyances se rapportant aux candidats, rarement sur une comparaison pondérée des différentes propositions. D'autre part, le rapport entre programme et réalisations est lointain, et quelquefois même inverse : qui se proclamait en 2012 "ennemi du monde de la finance" s'est empressé de nommer un ancien de Rothschild comme ministre de l'Économie. Avec les résultats que l'on sait.

Ce qui compte, avant le détail du programme, c'est la vision générale. Soit celle de gauche, avec son cortège d'irresponsabilisations et d'utopies, ou bien celle de droite, avec son cortège de lâchetés et d'appétits mercantiles.

Entendons-nous sur les mots : être "de droite" signifie ici, avant toute adhésion à quelque formation que ce soit, un attachement courageux, car ce n'est pas dans le repos que se trouve la vertu, aux valeurs de civilisation traditionnelles. En l'occurrence, celles qui ont prévalu en France pendant une quinzaine de siècles et en ont permis la construction.

Ainsi, pour l'homme de droite, la question de l'identité, redécouverte opportunément par nombre de ténors politiciens, est l'une des principales. Fondamentalement, l'homme de droite n'a aucune envie de vivre dans le monde rêvé par Jacques Attali, Nathalie Kosciusko, ou Emmanuel Macron, dut-il pour cela consentir à un moindre confort ou à un moindre niveau de vie. Son désir est de vivre dans un monde qui soit dans la continuité de celui de son père et du père de son père, un monde qui lui ressemble, qui nous ressemble, pour autant qu'il conçoive la nation comme l'extension de la notion de famille, et le monde comme riche en territoires distincts où les peuples peuvent vivre dans leurs spécificités : avant d'être ce qui nous sépare, une frontière est ce qui nous définit, et nous permet de faire vivre ces différences dont certaines sont enrichissantes, tout l'inverse des projets globalisants actuels.

Or la droite parlementaire, tout particulièrement depuis le septennat de Giscard, s'est attachée à justifier la remarque élégamment désespérée de Ghislain de Diesbach : la France est gouvernée par deux grands partis de gauche, dont l'un s'appelle la droite. 

Les résultats en sont frappants : pour prendre un exemple, la population du "9-3" est d'un million et demi d'habitants : 500.000 sont titulaires d'une carte de séjour, 500.000 sont des français administratifs, par droit du sol, et il ne reste que 500.000 français autochtones, âgés et cherchant à quitter le département (1). Cette situation emblématique est celle de la France toute entière dans très peu de temps, avec son cortège de difficultés, de drames, et de coûts inhérents. Implacables, les statistiques de dépistage de la dépanocytose établissent qu'actuellement en Ile de France, 6 bébés sur 10 sont d'origine africaine. Autre parallèle glaçant : le nombre d'immigrés s'installant en France depuis trente ans est à peu près le même que celui des avortements : 200.000. En arrondis, 600.000 personnes meurent chaque année en France, et sont remplacées par 800.000 naissances, dont la moitié sont africaines. Chiffres qui ne sont en rien comparables à ceux qui ont prévalu dans l'histoire de France, depuis quinze siècles.

Non seulement ce qui fait notre spécificité comme communauté et comme nation disparaît avec une vitesse inattendue, mais encore ce qu'il en reste est-il divisé en deux blocs prêts à s'entre-déchirer : ceux qui aiment cette civilisation et veulent qu'elle perdure, et ceux qui veulent en imposer l'auto-disparition, phénomène particulièrement visible dans l'Allemagne d'Angela Merkel. 

Pour avoir dénoncé ce péril, la droite patriotique est méprisée, insultée, haïe, combattue chaque jour par tous les moyens depuis quarante ans, par une caste dirigeante qui a imaginé pour la France un modèle multiculturel désincarné, et le lui a imposé délibérément. Une des dernières mesures en date est la dépénalisation de l'aide aux personnes sans papiers sur le territoire national : personne ne peut prétendre, comme à l'accoutumée, que cette loi a été imposée par Bruxelles, ou découle de Schengen.

Notre agonie charnelle est d'autant plus dangereuse qu'elle est confortable. Comme sur le Titanic, l'orchestre joue encore. Mais bercés par les sirènes du vivre-ensemble et du relativisme généralisé, nous entrons maintenant dans un monde multi-culturel, multi-ethnique, multi-religieux, et surtout multi-problématique, dans lequel nous ne somme déjà plus qu'une minorité dérangeante.

Comment un homme de droite pourrait-il envisager de donner sa voix à ceux de ces groupes qui ont planifié avec tant de constance le remplacement délibéré de notre civilisation par une autre civilisation sans avenir pérenne, car faite de communautés n'ayant rien à partager entre elles, quand elles ne sont pas ennemies ? Comment un homme de droite pourrait-il donner sa voix à ceux qu'il l'ont trahi avec tant de persévérance. Comment un homme de droite pourrait-il donner sa voix à un candidat dont même Jean d'Ormesson s'est rendu compte qu'il n'était qu'un Hollande de gauche ?

Dans toute situation, il reste autant d'espoirs que d'hommes, pour peu ici qu'ils s'attellent à infléchir positivement l'erre du paquebot France. Pour cela, il faut du courage, qui est bien la dernière qualité de nos gouvernants. Il y faut aussi de l'enracinement, seconde qualité qui leur manque, eux qui parlent "des Français" comme d'une espèce de cobayes. Pour donner du courage et de l'enracinement aux responsables politiques, pour droitiser la droite, en dehors des solutions inconstitutionnelles testées en avril 1961, il n'y a qu'une solution qui s'offre au vulgum pecus, c'est simplement de parler le plus fort possible, au risque, parfois, de l'excès.

Pourquoi certains leaders du parti Républicain droitifient-ils leurs discours ? Il est permis de penser que c'est moins pour des convictions profondes qu'à cause de l'émergence de courants patriotiques, qualifiés au passage d'un méprisant "populistes". Nous entendrions beaucoup moins de rodomontades, mais aussi de propositions positives, si les orateurs de droite qui les prononcent n'étaient pas protégés sur leur droite par une infanterie qui leur sert de confortable flanc-garde.

C'est l'utilité de Sens Commun, qui peine à exister dans l'appareil LR, tant il est vrai qu'il faut de grandes fourchettes à qui veut diner avec le diable. C'est l'utilité de la Droite Forte, marquée cependant par la versatilité de Guillaume Pelletier. C'est l'utilité de l'Avant-Garde, de Beigbeder et Millon (Vanneste étant considéré comme aussi peu fiable qu'il est bavard). C'est l'utilité de DLR, avec l'inoxydable Dupont-Aignan. C'est l'utilité du PCD, qui vient de trouver, par la qualité et l'indépendance de réflexion de son président, Jean-Frédéric Poisson, une crédibilité inattendue. C'est l'utilité d'autres formations plus confidentielles, ou d'initiatives personnelles. C'est surtout l'utilité du Front National, mené par Marine Le Pen, et sa nièce Marion, la plus jeune des députés de France.

Certes, ce parti suscite des objections plus ou moins justifiées : certaines positions peu catholiques, certaines fréquentations discutables, un glissement vers un certain étatisme économique, et un discours anti-européen qui peut effrayer. Sur ce dernier point, toutefois, la meilleure ennemie de l'Europe n'est pas Marine Le Pen, mais bien l'Europe elle même, incapable de se remettre en question après la sortie des Britanniques, s'obstinant à réglementer la courbure des concombres ou a imposer des traités de commerce secrets, alors que les grandes questions de défense, de migrants, de subsidiarité, et là encore, d'identité, ne sont pas traitées sérieusement.

Parmi les possibilités ouvertes à l'homme de droite, il en est deux particulièrement utiles. La première est de soutenir sans modération Jean-Frédéric Poisson, qui est le seul candidat de la primaire à faire preuve d'une étonnante indépendance d'esprit, tout autant que de convictions personnelles argumentées et sincères (en dépit de l'incompréhension que suscite ses relations avec Juppé). La seconde est de voter au premier tour pour Marine Le Pen sans aucun état d'âme, comme le moyen le plus efficace de redonner des valeurs de Droite à la droite parlementaire. Pour le second, quartier libre.



1 Xavier Lemoine, cité par Beigbeder dans "Charnellement de France" (lecture recommandée)

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Sarközy lave plus blanc.

Rédigé par hamlet le 05 mai 2012

Le moins que l'on puisse dire, c'est que cette élection aura mobilisé les imaginations, si ce n'est les intelligences, si l'on en juge par l'abondance des articles à ce sujet.

Elle aura mobilisé aussi les passions, les noms d'oiseaux fusant comme les poissons d'Ordralphabétix. 

Rien d'anormal, dans un village gaulois.

Succombant aussi à cette tentation déplorable, voici une réflexion de plus sur ce sujet brûlant. Attention, ça envoie du steak !





Devoir moral ou option tactique ? 

Deux candidats se présentent aux suffrages de ce deuxième tour. A droite, fleurit une foison d'avis apocalyptiques, y compris de clercs, énoncant qu'il serait un "devoir moral", sous peine de "grave irresponsabilité", de préférer telle ou telle option.

Si les mots ont un sens, je crois tout d'abord que ce choix ne relève pas de la conduite morale, mais d'une option tactique : il ne s'agit pas d'une réponse de principe, mais d'une réponse adaptée aux circonstances et déterminée par elles.

Au plan politique et économique, les idées des candidats, pour ce qui leur reste de marge de manœuvre dans notre univers mondialisé, ne sont pas très différentes. En ce qui concerne leurs projets anthropologique, ils partagent la même vision transgressive, si on la rapporte à l'orthodoxie de la morale chrétienne. Les différences ne jouent qu'à la marge, sur ce qui reste de modalités possibles à ces transgressions. Sur l'IVG, par exemple, il sont tous deux d'accord sur le bien fondé du principe, la différence entre eux ne porte que sur le niveau de remboursement, 65% pour l'un ou 100% pour l'autre, soit une somme bien inférieure à 30 deniers (précision historique : cette somme correspond au prix d'achat d'un agneau, selon M. Valtorta).

Sur le critère de la morale, aucun des candidats n'est correct, et leurs ressemblances dépassent largement leurs différences. Pour prendre une analogie routière, il ne s'agit pas de choisir, sur une route départementale, entre une voiture qui roulerait à 90 et une autre à 140, mais bien entre une voiture qui roule à 180 et une autre à 182. Il ne s'agit pas de distinguer entre deux biens, mais entre un mauvais et un pire. 

Imaginons être l'un des 12 jurés d'un tribunal condamnant une personne innocente. Le procureur donne le choix entre deux condamnations : soit lui couper un pied sous anesthésie, soit lui couper un bras. Existe-il une solution moralement meilleure ? 

Préférer l'opération sous anesthésie est acceptable, car, dans l'impossibilité de faire mieux, le condamné souffrira moins. Mais cette réponse aura contribué à lui couper le pied. 

Refuser ces deux options est également une réponse correcte, puisque la personne est innocente. Mais cette option n'est par proposée par le procureur, le condamné sera forcément amputé, et possiblement avec un plus grand mal, si le reste du jury vote l'amputation sans anesthésie.

Si des autorités morales (Mgr Sheridan, 2004) ont pu affirmer que la seconde solution était la seule moralement juste, d'autres tiennent pour l'option inverse (Mgr de Germiny 2012). Et la position qu'exprime pour 2012 la Conférence Épiscopale renvoie chacun à sa propre analyse, sans désigner de devoir moral autre que celui de « voter en conscience ». Les Évêques Catholiques n'ont pas identifié de devoir moral à opter pour telle ou telle solution, ce qui laisse l'électeur libre d'opter pour l'une ou l'autre des options possibles, dans la mesure où, sa conscience étant raisonnablement éclairée, l'option choisie cherche à promouvoir le bien commun. 

Ce choix restant donc une option tactique, il peut être discuté longtemps : restant dans les vérités relatives, re-situer le débat sur le plan tactique permet, accessoirement, de rendre moins vive la nécessité de s'invectiver, les uns traitant les autres de suppôts de satan, les autre d'idiots irresponsables, ce qui n'est déjà pas si mal.


La politique du moindre mal

En se limitant à la lecture des deux programmes, l'électeur qui chercherait à être fidèle à la doctrine chrétienne, et qui en déduirait que son choix doit se baser d'abord sur la comparaison des questions morales, peut se dire que la solution est évidente, car nominalement, le programme UMP est moins transgressif que le programme PS. La philosophie classique recommandant, entre deux maux, de choisir le moindre, un vote Sarkozy au nom du moindre mal, apparaît donc comme la réponse correcte.

Mais pour qui estime que les programmes électoraux n'ont de valeur qu'indicative, et que l'analyse tactique ne doit pas se limiter à la première bande du billard, les choses sont moins simples.

Depuis 1974, une majorité de voix chrétiennes se sont portées sur la droite parlementaire, contribuant à l'élection de Giscard, puis de Chirac et de Sarkozy, au nom de la théorie du moindre mal.

La première chose que je remarque est que ces voix n'ont été échangées contre aucun avantage. Oubliant les pré-requis de la dissuasion du faible au fort, elles n'ont été payées en retour d'aucun bien positif, mais seulement d'un bien négatif discutable, que serait le retard hypothétique apporté à l'installation des maux moraux successifs installés les uns après les autres : relativisme, individualisme, matérialisme, inculture de masse, laxisme, hédonisme, nihilisme, immoralité, etc, ainsi que des maux politiques et économiques qui les accompagnaient.

Ce refus constant d'absence de sanction par les urnes partage d'ailleurs avec les sondages politiques un inconvénient supplémentaire, qui est d'encourager l'utilisation du mensonge et de la duplicité dans le discours politique, en leur assurant une rentabilité.

Si, en théorie, le retard à l'installation du mal peut permettre le retour du bien, force est de constater que cela ne s'est pas produit dans les 38 dernières années de la vie politique française, soit d'une mauvaise mesure de droite qui aurait été abrogée par la droite suivante, soit, plus facile, d'une mesure de gauche qui aurait été abrogée par la droite. L'exemple-type à ce sujet est celui des 35 heures : si la droite, au pouvoir absolu pendant 10 ans, s'est lamentée sur tous les tons de ce que cette mesure serait « responsable de la ruine de la France apportée par la gauche » et aurait « détruit la valeur travail », arguments consciencieusement ânonnés dans beaucoup de salons distingués, elle s'est bien gardée d'y modifier quoi que ce soit. Alors qu'elle a su mettre un acharnement remarquable à instaurer le travail du dimanche, mesure politiquement coûteuse et économiquement infondée, contrevenant de front au 4° commandement, ce qui n'est tout de même pas rien.

Enfin, ce que je constate aussi, c'est que le soutien passif, même à contre cœur, d'idées incorrectes, finit par les imposer dans le paysage culturel. L'exemple-type, ce sont toutes les questions sociétales, divorce, sexualité précoce ou contre nature, avortement, pornographie, théorie du genre, etc, qui sont maintenant culturellement acceptée et perçues comme bonnes par toutes les classes de population, incrustées y compris dans les « meilleures familles ». C'est l'adage « à force de ne pas voter comme tu penses, tu finis par penser comme tu votes », ou l'allégorie de la grenouille cuite

En ce sens, il n'est pas absurde de dire, et je le soutiens à titre personnel, que cette option tactique a contribué à installer durablement des valeurs de mort dans notre société. La politique du moindre mal se transforme ici en la politique du mal durable.

Le vote blanc.

La première objection concernant le vote blanc est qu'il s'agirait d'une non-décision : il est vrai que le domaine politique est celui de l'action, du parti-pris, et non pas celui de la pureté doctrinale, que celui qui se retire dans sa tente peut être considéré comme un démissionnaire.

Si le candidat de l'UMP a tenu le discours du Trocadéro, si le chantre du métissage s'est métamorphosé en féroce gardien des frontières, allant jusqu'à adopter la plus mauvaise des propositions de Mme Le Pen (la présomption d’innocence pour les policiers), c'est bien parce qu'il a évalué, soupesé ce poids, et espère convaincre la fraction récupérable des électeurs qui va voter blanc, l'une à sa gauche, chez Bayrou, et l'autre à sa droite, chez Le Pen et Dupont-Aignan. Comme la plus grande part se trouve à sa droite, ces intentions de vote blanc l'obligent à infléchir à droite son discours de second tour, de la même façon qu'en 2007, le poids du FN étant moindre que celui du Modem, il avait fait campagne au centre (ce qui n'avait pas empêché l'UMP de présenter un candidat contre Bayrou dans sa circonscription).

Paradoxalement, et dans la conformation particulière des élections 2012, ce sont finalement ceux qui menacent Sarkozy de ne pas voter pour lui, et sont éventuellement prêts à ne pas céder, qui l'obligent le plus à infléchir son discours politique. Vu sous cet angle, il me paraît difficile de dire que vouloir voter blanc est un non-acte. 

Le second argument est celui de sa non-lisibilité, puisque les votes blanc sont à la fois ceux de Le Pen qui n'ont pas voulu voter Sarközy ou Hollande, et ceux de Mélenchon qui n'ont pas voulu voter Hollande. L'argument ne convainc pas, car les sondages permettent d'évaluer ces masses, d'une part, et qu'il ne s'agit pas de lire, mais d'élire.

Enfin, la dernière objection consiste à dire, côté UMP, que "voter blanc, c'est voter Hollande", et côté PS que "voter blanc, c'est voter Sarkozy". En terme de pure logique, cet argument est faux, choisir Ø n'étant pas équivalent au choix de A ni de B. En terme politique, cet argument n'est cependant que partiellement faux, et donc partiellement vrai, car pour un électeur admettant qu'il n'est de conduite morale qu'entre les solutions Ø et A, lorsqu'il vote Ø, effectivement, sa voix ne se porte pas sur A et donc profite à B (pour un anarchiste, il demeurerait faux). La partie fausse du raisonnement, qui confine au procès d'intention, consiste à assimiler un acte positif à une conséquence inévitable, et à transformer l'acte de voter Ø, en intention de voter B. Un peu comme si l'on disait que tous ceux qui ont voté Sarközy ont voté pour une politique active de promotion de l'homosexualité (la diffusion du Baiser de la lune) ou de la théorie du gender. Entre la peste et le choléra, les "leucovotants" expriment qu'ils rejettent les deux, même s'il ne fait pas de doute qu'ils contracteront la plus contagieuse de ces deux maladies. 


Faut-il sauver le soldat Sarkozy ?

Une fois posé que le discours d'entre deux tours est la posture politique que l'état-major de Sarkozy a estimé la plus rentable compte tenu du paysage électoral du premier tour, il reste deux possibilités  à l'électeur : y croire, ou pas. Mais à la lecture des sondages, la question devient "Faut-il sauver le soldat Sarkozy" ?

Poser la question, c'est y répondre : il est déjà mort, les prévisions évaluant une défaite à environ 4 points. Il ne s'agit plus de faire gagner Sarkozy, mais de lui assurer une défaite moins difficile.

Dès le début, il savait le poids de la cristallisation de mécontentement qu'il avait accumulé, non sur les idées de droite, mais sur sa personne. La stratégie de campagne était celle proposée par Buisson, droitière. La prudence ou la sagesse aurait commandé de ne pas présenter, sur ces valeurs, de candidat qui en représente l'antithèse. Cette erreur de casting est une erreur majeure de la campagne de Nicolas Sarkozy, qui a préféré jouer une partie individuelle sans comprendre son handicap personnel, ni être capable du coup de génie indispensable, notamment dans le débat entre les deux finalistes. Sarkozy, finalement, n'était pas Napoléon.

Cela n'empêche pas de voter pour un mort, bien entendu, ne serait-ce que pour l'honneur.

De nombreux électeurs, se reconnaissant dans la "droite de valeur" (FN, DLR), ont annoncé qu'ils ne feraient pas ce choix. Doivent-ils être blâmés ?

Pour attirer ces électeurs, la stratégie de l'UMP a consisté à droitiser le discours du second tour, et y recycler les thèmes du premier tour de 2007, l’innovation 2012 consistant à envoyer le caporal Longuet ("ancien d'extrême-droite" comme aiment à le rappeler tous les media de gauche - quelle habileté politique dans ce choix !) donner un interview-suicide au journal Minute, Signal ayant cessé de paraître.

Comme en 2007, les voix de la "droite de valeurs" ont été réclamées sans aucune autre garantie que de continuer à être méprisées, ligne traditionnelle évoquée plus haut, mais marché de dupes quelque peu indécent, car il n'y avait pas de raison que les promesses de 2012 soient moins trahies que les promesses de 2007.

La ligne droitière proposée par Buisson a permis à Nicolas Sarközy, servi par son extraordinaire dynamisme et sa pugnacité, de remonter une partie de son handicap de départ. Et elle était arithmétiquement gagnante avec les voix du Front National, qu’il était vital de convaincre.

La parole du candidat sortant étant considérablement démonétisée par son quinquennat, il était inutile d’aller plus loin dans le discours. Cela a été contre-productif, aliénant au camp de droite les voix de Bayrou.

Au lieu de dire sans agir, il fallait agir sans dire, et proposer à droite une opportunité consistante, qui aurait été d'autant moins refusée qu'elle aurait été réelle, voire loyale. Bien sûr, un tel accord à droite n'était politiquement pas facile, dans le contexte culturel français. Mais il faut remarquer que ce contexte a été bâti par une droite qui y a délégué la gauche, allant jusqu'à nommer Frédéric Mitterrand, l'ami des enfants, au ministère de la Culture, corroborant avec brio la phrase assassine de Diesbach : « la vie politique française est animée par deux grands partis de gauche, dont l'un s'appelle la droite ».

Et au lieu de cette opportunité consistante, clé vitale pour la victoire, qu’avons nous vu ? Un consensus du chef de l'Etat, du Premier ministre, et des caciques UMP, s'accordant, dans le cas d'un duel FN/PS, à choisir de voter à gauche qu'à droite, option que ne pratique même pas cette "l'extrême droite" qu'ils vilipendent ! Quel scandale. Tout au long de la campagne, le FN n’a cessé d’être traité en ennemi, au contraire de la stratégie plus intelligente de Hollande vis à vis de Mélenchon, autrement plus encombrant et scandaleux que Mme Le Pen, et beaucoup plus agressif vis à vis du PS.

Mais non, l’UMP a continué consciencieusement d’appliquer la stratégie obstinée et stupide « du cordon sanitaire », faisant payer au pays cette facture qui va mettre au pouvoir, ce 6 mai, un courant finalement minoritaire.


Un programme pour l'après-Sarkozy.

Après, l'analyse peut être poursuivie sur une bande de plus, et il est possible de supputer qu'une défaite trop cuisante de Sarkozy affaiblisse la ligne Buisson pour les législatives, au profit de la ligne Juppé / NKM, ce qui serait un motif de voter Sarkozy. Là, ces hypothèses ne me concernent plus. 

Je n'ai aucune idée de savoir si l'UMP va exploser ou pas, et je n'entre pas dans ces combinaisons hypothétiques, ne cultivant pas d’intentions homicides particulières envers l’UMP, pas plus que n'idéalisant le FN. J’espère seulement que le paysage politique de l’après 6 mai prendra en compte l’existence d’un courant droitier, et sera pour lui l'occasion de lui permettre une expression démocratique sereine.

Pour ce qui me concerne, je ne crois pas que le sort du pays se joue par un bulletin que l'on met dans l'urne tous les 5 ans, tant que les finalistes sont des avatars de conceptions semblables, soumis aux mêmes impératifs du réel, qui s'imposent avant tout programme électoral. Les messages dramatisants qui prédisent que le 6 mai est le dernier jour avant le début de l’enfer, me font rire : nous avons vécu aussi tranquillement les 14 ans de Mitterrand et des communistes, que les 14 dernières de la droite parlementaire. L’idée selon laquelle il y aurait en France 50% de saints, contre 50% de salauds, est une caricature. Et Monsieur Dupont, qui pense être Charlemagne quand, tremblant d'émotion, il entend le fier « A voté » du premier assesseur, n'est que Monsieur Dupont.

Alors ce que je crois utile, pour l'après Sarkozy, c'est à la fois simple et douloureux : c'est simplement de travailler au bien, avec ses talents particuliers, dans sa sphère d'influence, selon les circonstances offertes par l'existence. Les possibilités sont infinies, et les exemples nombreux, dont un certain nombre de chrétiens d'exception, remarquables.

Et puisque ici nous jugeons sans bienveillance le bilan de l'un, le projet de l'autre, et les intentions de tous électeurs, peut-être pouvons-nous aussi appliquer à notre propre cas la pratique traditionnelle de l'examen de conscience : dans l'ordre de l'action et du service, combien de moi-même ai-je donné, ces 5 dernières années, au service des valeurs que je veux défendre ? (y compris au sein de n'importe quel parti politique, quand il s'agit bien de défendre des valeurs, et non un parti). Quel exemple ai-je donné ? Combien d'heures de travail ? Combien d'intelligence ? Combien de moyens ? A combien d'actions ai-je participé ? Avec combien d'enthousiasme et de joie ai-je aimé ma patrie ?

Car le meilleur Président possible ne peut se passer de la vertu personnelle, ni de l'ardeur dans l'esprit de service, de chacun des citoyens.

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Le débat

Rédigé par hamlet le 03 mai 2012


La gueule de l'autre avec Michel Serrault et... par europeenne2009

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