Rédigé par hamlet le 15 avril 2024
La franc-maçonnerie fait l'objet de spéculations et de fantasmes, de par son côté semi-secret. Certains sont tentés d'y voir la main qui dirige le monde, tandis que d'autres estiment qu'il ne s'agit que d'une association philanthropique parmi d'autres.
Quoi de mieux que le discours d'Emmanuel Macron pour le 250° anniversaire du Grand Orient, pour en donner un aperçu ?
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Messieurs les préfets,
Messieurs, Mesdames les très respectables grands maîtres,
Mesdames et Messieurs,
chers amis,
Je vous remercie, très respectable grand maître, d’avoir accepté que la parole circule jusqu’à moi. Premier outil du franc maçon et de l’homme de bonne volonté. La confrontation des oppositions féconde en effet l’acceptation de l’autre dans vos loges au Grand Orient et dans les autres obédiences représentées ici aujourd’hui se poursuit sans relâche, et ainsi conduit ce travail maçonnique et au fond, cette maïeutique utile pour le pays et pour la République. Je voudrais avant toute chose, chercher ici à dire l’importance de cette parole et votre contribution à l’occasion de ces deux cent cinquante ans à la vie de la nation et à notre République.
Chacun sait qu’en vos loges, la parole est hiérarchisée, structurée, organisée, légitimée par un lent et patient travail de la pensée, de l’écoute et du partage. Et c’est ainsi que se conduit la recherche de la vérité. Et à l’heure des réseaux sociaux, où les paroles indistinctes se mêlent et s’entremêlent sans hiérarchie ni distinction, nous l’évoquions tout à l’heure avec tous les risques que cela implique, ce modèle pourrait paraître anachronique. Mais si vous autorisez le profane que je suis à le dire, c’est un modèle qui, à l’évidence, n’est pas dénué de vertu. Vertu de la patience pour façonner une parole de raison porteuse de progrès, parole profondément attachée à la liberté de l’être humain. Et je crois aussi qu’au moment où ailleurs, ce sont les armes qui parlent en Europe et dans le monde et où, chez nous s’élèvent des voix de confusion, de haine, de déraison et de division, cette parole doit être plus forte et mieux entendue.
« L’histoire de la franc-maçonnerie, qui commence on ne sait quand véritablement, s’inscrit dans des temps lointains »
C’est ce qui motive, entre autres, ma présence ici parmi vous. Les deux cent cinquante ans du Grand Orient en sont naturellement l’occasion. Mais je sais que, s’agissant de l’histoire de la franc-maçonnerie, qui commence on ne sait quand véritablement, s’inscrit dans des temps lointains, empreinte aux grands mythes.
Les dates ne comptent guère. Seuls comptent, aujourd’hui comme hier, l’avenir et le progrès humain possibles. Votre nom même signifie cette attention à l’aube toujours recommencée de l’idéal. C’est donc de cet idéal et de cet avenir que je viens surtout parler aujourd’hui. Cet avenir se construit certes à la lumière d’un grand héritage.
Nous l’avons vu ensemble, tout à l’heure ; issue de ses compagnonnages d’Ecosse, d’Angleterre où des hommes éprouvés par la violence religieuse se sont retrouvés en laissant leur discorde à la porte des loges, de proche en proche, la franc maçonnerie devint un projet de société. Ce projet était celui des Lumières.
Elle transmit cette pensée de liberté et de raison, des salons aux provinces. La franc-maçonnerie est à cet égard la fille aînée des Lumières. Dans ses rites, bien sûr, où s’exalte l’éclat de la raison humaine, prompte à transpercer le fanatisme. Dans ses idées, surtout, elle tient l’homme comme la mesure du monde.
« L’homme comme la mesure du monde »
Elle consacre l’égalité entre les femmes et les hommes dans leurs facultés de jugement, dans leur égalité profonde, par-delà les origines ou la religion, dans leur perfectionnement possible et souhaitable par l’éducation, la culture, leur aspiration au progrès. Elle dit que l’humanité est une et que l’avenir peut être porteur d’espoir.
En 1773, dans des remous que je laisse à la sagesse de l’étude, le Grand Orient décida de s’appeler ainsi. Alors se noua le fil profondément français, si vous me le permettez, de la franc-maçonnerie, un fil qui, dès l’origine, présentait des traits propres à notre esprit national, le goût des distinctions et des hiérarchies.
Je sais que les grades ou les degrés dans leur complexité sont tenus pour être nés en France, bien qu’on les qualifie d’écossais, mais aussi et surtout un caractère profondément démocratique, marié à une ambition d’ordre. Avec la création du Grand Orient, les vénérables jusqu’alors propriétaires à vie de leurs charges, sont élus et les loges disséminées sur le territoire doivent désormais répondre à Paris. La centralisation, ici aussi, s’exerce.
Par une même réforme, étaient combattues l’inégalité naturelle et le poids excessif des particularismes, une lutte contre l’assignation au profit de la liberté et de l’unité, une œuvre de liberté et de concorde au-dessus du chaos et de la fatalité. La franc-maçonnerie française était constituée à l’image des desseins de la nation française, démocratique, méritocratique ; la franc-maçonnerie française est aussi universelle.
Dès le dix-huitième siècle, elle accueillait à égalité ceux que la société d’alors vouait aux places obscures : les frères de confession juive, ceux de couleur, les femmes au sein des loges dites d’adoption. Parmi elles – et comment pourrais-je l’oublier ? –, une ancienne propriétaire du palais de l’Elysée, Bathilde d’Orléans, sœur de Philippe-Egalité, grand maître du Grand Orient, et elle-même grande maîtresse, surnommée « citoyenne Vérité » à la Révolution.
Rien n’est plus émouvant que de lire ici, au sein du musée de la rue Cadet, les débats graves et pondérés où les loges discutent de l’acception des uns et des autres. Nous les avons recroisés tout à l’heure. Ces débats ont conclu toujours à l’égalité et à l’humanisme. Et ces lettres et ces mots sont toujours nos contemporains. Il exista dès cette époque une affinité élective entre la franc-maçonnerie et le combat pour la liberté qui deviendra combat républicain. Destins jumeaux, destins fraternels face à l’opposition cléricale et aux fractures de l’histoire du dix-neuvième siècle.
« L’apport de la franc-maçonnerie est une vérité historique »
Dans l’alternance des rois et des empereurs, la franc-maçonnerie finit par s’identifier au projet républicain, et la République s’éleva pierre à pierre. Qu’on ne s’y trompe pas, là encore, l’apport de la franc-maçonnerie est une vérité historique. Il n’y a ici ni complot ni dessein secret. Regardons face à nous, dans ce temple Groussier : la fresque à l’Orient représente une allégorie féminine. A ses côtés trônent des visages et des figures qui signifient la culture, l’espoir, les arts. Tout, dans ce décor, paraît familier à tout citoyen, à tout Français, parce que dans l’œuvre de ce frère, le frère Poisson, surgissent les contours de la statue de la Liberté de Bartholdi ou La Liberté guidant le peuple de Delacroix ; surgit l’ombre de Marianne, surgissent ces mots de Victor Hugo : « République universelle, tu n’es encore que l’étincelle. Demain, tu seras le soleil. » Surgit tout notre imaginaire français et républicain.
Et pendant des décennies, l’œuvre maçonnique et le combat républicain se rejoignirent pour presque se confondre. En témoigne cette Déclaration universelle des droits de l’homme, texte fondamental pour l’une et l’autre.
A la Révolution, les francs-maçons furent députés, soldats de leur idéal, mais aussi, hélas, à partir de 1793, victimes de la terreur robespierriste.
Sous l’Empire, leur œuvre fut consolidée. A la Restauration, des rois précédemment maçons tirèrent profit de leur engagement. Sous la seconde République, ce sont des maçons qui inspirèrent l’abolition de l’esclavage, tentèrent le partage du progrès matériel en combattant la misère, sœurs jumelles de l’obscurantisme. Et, sans qu’il puisse s’agir d’une coïncidence, les francs-maçons lui donnèrent sa devise ou prirent celle de la République, qui sait, « liberté, égalité, fraternité ».
Dans l’ombre que leur tendait leurs fausses légendes noires, la franc-maçonnerie formait cette république à couvert qu’évoquent les historiens, à couvert sous des toits les protégeant de la curiosité inquisitrice des autorités, puisque l’installation du Grand Orient rue Cadet date justement de cette période.
Oui, République à couvert. Car dans les banquets et les comices, dans les cercles de pensée et dans les mots d’avocat ou de journalistes, palpitait cet idéal attendant son heure. Vint la chute de l’Empire. Vint le gouvernement provisoire de Léon Gambetta, le décret Crémieux qui accorda enfin la citoyenneté aux Français juifs d’Algérie et permit leur émancipation républicaine.
« Tous n’étaient pas maçons, mais tous en défendaient les valeurs »
Je pourrais citer tant de noms du Grand Orient ou de la Grande Loge, mais nul besoin d’énumérer ici les pères fondateurs de notre République. Tous n’étaient pas maçons, mais tous en défendaient les valeurs. La franc-maçonnerie n’a pas fait à elle seule la République, mais la République, sans elle, ne se serait pas faite.
La franc maçonnerie fut l’atelier de la République, là où se poursuivait l’œuvre commencée dans le temple ; la Franc-maçonnerie donna à la République ses premières forces vives. Et à l’heure où le Parti républicain n’avait qu’une prise incertaine sur le pays que la monarchie menaçait de revenir, les francs-maçons furent dans nos villages, dans nos petites patries, ces commis-voyageurs de la République dont parlait Gambetta. Ils furent ces humbles militants pénétrés de l’idéal des Lumières, défendant la République face aux forces monarchistes comme face aux tenants de l’insurrection. La franc-maçonnerie donna à la République ses assises et son mouvement. Seule organisation civique d’importance face à l’Eglise, elle engendra presque à elle seule le Parti radical, dont les membres tinrent debout les murs de cette maison neuve qu’était alors la République.
Elle donna à la République non seulement cela, mais encore toute sa puissance spéculative qui procédait de l’activité intellectuelle des frères. Les loges de la raison furent les forges de nos lois. Lois de liberté avec la loi sur la liberté de la presse loi autorisant les syndicats, loi de liberté d’association de 1901, loi de 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat ; les lois de Jules Ferry sur notre école publique et laïque ; mais loi aussi pour l’égalité, la fraternité, le progrès humain avec la réforme de l’assistance publique, la rédaction d’un code du travail confié à Arthur Grossier , futur grand maître, ou la création des premières mutuelles.
Toutes ces lois en écho du cri de justice, du cri contre la misère et l’oppression contre la loi du plus fort élevé en loi naturelle, ce cri de Gavroche et ce cri de l’enfant de Vallès… Tant de lois furent ici et ailleurs, initiées, imaginées, discutées grâce à elle. A travers elle, la République conquit les cœurs et les urnes malgré les tentatives factieuses, malgré un déchaînement d’antisémitisme qui prit Dreyfus pour victime et à travers lui, l’esprit de la République comme cible, puisque s’en prendre à un juif, c’est toujours aussi chercher à atteindre le projet politique qui le reconnaît, libre et égal, qui le reconnaît comme tel, c’est toujours chercher à atteindre la République. En 1896, comme un symbole, Léon Bourgeois devint président du Conseil à la tête de ce que l’on appela le gouvernement des loges.
« La nation qui nous instruit et nous construit »
Léon Bourgeois, à qui nous venons de rendre hommage, plaidait pour une société solidaire, car l’individu, disait-il, naissait débiteur d’une dette envers la société : un citoyen né avec des droits inaliénables mais aussi avec des devoirs, devoir d’engagement et de solidarité, devoir de se rendre redevable envers la nation qui nous instruit et nous construit.
Léon Bourgeois plaidait dès lors pour l’organisation rationnelle de cette solidarité afin de conjurer les injustices de destin. Quittant le gouvernement, il devint l’artisan de la Société des nations, reçut le prix Nobel de la paix. Car cette solidarité dans la nation existait pour lui à l’échelle du genre humain : la même dette envers les autres, ce même devoir d’être utile aux autres.
Rien des hasards de la naissance ou de l’arbitraire du cours de la vie ne devait séparer entre eux les femmes et les hommes, ni les origines, ni les frontières, car une vie vaut une vie. En cela, Léon Bourgeois ne portait pas seulement un projet franc-maçon. Il vouait ses forces à une ambition universelle et humaniste, d’affranchissement et de raison, de progrès et de paix.
Une ambition qui était alors profondément française et qui l’est toujours. Une vie vaut une vie. En 1899, vous le savez, au comble de l’affaire Dreyfus, fut érigée la statue de la République sur la place du même nom. L’un des témoins de cette liesse, de ce jour heureux de la nation, était Charles Péguy et, décrivant la foule se massant sur les boulevards, il énumère dans le détail les guildes et les confréries, les syndicats d’ouvriers ou d’horlogers qui la composent. Et il note alors, je le cite : « Comme c’est beau, un nom qui désigne les hommes, les groupes, sans contestation, sans hésitation, par le travail quotidien. On sait ce que c’est au moins qu’un forgeron ou un charpentier ? Je voudrais les citer tous car je ne sais comment choisir. » Eh bien, dès ce triomphe de la République, il faut citer, avec les forgerons et les charpentiers, les maçons.
Oui, à chaque fois que la République œuvra à l’amélioration de la condition matérielle et morale de l’humanité, la franc-maçonnerie française fut au rendez-vous. Les ennemis de la République ne s’y trompèrent pas. Le régime de Vichy bannit la franc-maçonnerie et spolia ses biens. Un film de propagande fut tourné, reproduisant le temple Corneloup .
Cinq cents francs-maçons furent assassinés en raison de leur appartenance et tant d’autres moururent pour défendre la patrie des Lumières. Je pense à Jean Zay, ministre de l’Education nationale et des Beaux-Arts. Il fut dans notre histoire l’un de ceux qui bâtit une école de l’émancipation et de la liberté. Il bâtit cette école comme un rempart aux forces de la haine dont il fut lui-même le martyr. Il bâtit une école dont tous nous sommes les héritiers et dont nous devons tous être les gardiens.
Après la guerre, la franc-maçonnerie poursuivit son œuvre, dans le silence et la pénombre où par tradition, par souvenir des persécutions aussi, elle se maintient. Et la cause des femmes doit beaucoup à leur œuvre.
« Je pense au combat mené pour l’interruption volontaire de grossesse »
Je pense au combat mené pour l’interruption volontaire de grossesse, un combat où lutta de haute lutte Pierre Simon de la Grande Loge de France. Je pense aussi au rôle éminent qu’y joua le sénateur Henri Caillavet, rapporteur de la loi de Simone Veil, comme son action fut déterminante en faveur d’autres causes, toujours au nom d’une société où les choix éclairés des individus sont permis et reconnus. Le combat pour la cause des femmes contient tous les enjeux qui nous réunissent aujourd’hui. L’obscurantisme à cet égard n’a pas disparu. Il revient, il renaît. C’est pourquoi j’ai souhaité l’inscription dans notre Constitution de la liberté pour les femmes de recourir à l’interruption volontaire de grossesse face à de grands périls.
Nous devons assurer le progrès et la permanence. Nous devons conserver ce que chaque époque a conquis de meilleur pour le transmettre. C’est, je le crois, le sens de toute aventure humaine, celui de toute aventure de pensée. C’est le sens même de la marche d’une nation. Et à travers ces combats, à la lumière d’aujourd’hui, ayant cherché de manière trop rapide à dire votre contribution à l’édification et la consolidation de la République et la vie de notre nation, permettez-moi de conclure mon propos par l’évocation de trois défis, plus particuliers.
Le premier concerne le rôle des francs-maçons. Aujourd’hui où les francs-maçons n’ont jamais semble-t-il été aussi nombreux, certains déplorent la faiblesse de leur influence, leur perte de pouvoir. La presse, si prompte à les compter, en a oublié ses inventaires marronniers. La chasse aux frères invisibles, suspects de tous les maux, est close, et c’est tant mieux. J’ai dit ce que ce compagnonnage avait eu de fructueux et surtout de contingent, tenant aux conditions mêmes de la naissance de la République en France. Mais à l’ère du soupçon ne doit pas succéder l’ère de l’effacement. Il faut conserver le lien vivant entre République et franc maçonnerie, comme doit demeurer le lien entre République et religion, car la loi de 1905 est loi de séparation et pas d’effacement, elle est loi de liberté et pas de contestation. Et ce dialogue ne doit pas simplement concerner la République, mais toute la société.
Et je sais combien d’entre vous sont engagés à cet égard et ne m’ont pas attendu, mais jamais une société discrète ne doit devenir ou donner le sentiment d’être une société muette. Je sais bien que les différentes obédiences, en effet, ne m’ont pas attendu pour prendre part aux combats de l’époque en faveur de la laïcité, du droit des femmes, de la solidarité internationale avec l’Ukraine… tant d’autres.
Je pense notamment aussi au droit de mourir dans la dignité, porté en son temps, là encore, par Henri Caillavet ou Pierre Simon. Une cause qui doit trouver, comme je l’ai promis, une traduction dans une loi de liberté et de respect. Et je vous remercie pour la contribution que vous avez produite en lien avec le gouvernement qui va nous permettre de faire cheminer dans les prochains mois ce texte.
Et je crois plus encore aujourd’hui qu’il nous faut ensemble nous remettre à la forge et retrouver le sel de cet engagement premier. Vous m’avez lancé un défi, si je puis dire, tout à l’heure, en parlant d’un programme qui est celui même de notre République. Je voudrais vous lancer presque le même en parlant d’une action au corps à corps dans la société qui doit retrouver la vigueur et le caractère libre et direct de ceux des premiers temps de notre République. Je crois que ce sera utile à la nation et à la République.
Le deuxième défi, c’est que la franc-maçonnerie doit s’ancrer dans une époque qui lui ressemble peu. Rien n’est plus étranger au goût contemporain que la quête de connaissance de soi et de l’autre, de l’émancipation et de l’affranchissement, de la sérénité et de la concorde qui prévalent dans le temple. L’air du temps déteste ce temps suspendu de la parole et de la tenue. Nos temps sont ceux de la volonté de revanche, de l’identitarisme, du fanatisme, du complotisme. Eh bien précisément, prenez ma présence parmi vous aujourd’hui et ces mots comme une invitation à demeurer intempestifs. Ne cédez pas, car nous en avons besoin à ces modes du temps. Je pense qu’aujourd’hui plus encore qu’hier, la maïeutique qui seule permet à la raison de triompher sur les émotions, le temps suspendu qui seul permet à une société de sortir de la solitude et du fracas des paroles dans laquelle nous sommes plongés aujourd’hui, ce rôle est plus que jamais utile.
C’est évidemment celui que l’école de la République enseigne, que notre nos universités transmettent et doivent continuer de transmettre, que nous voulons inculquer plus largement. Mais vous jouez ce rôle existentiellement et profondément, car nos combats refont surface.
Et aujourd’hui aussi, l’antisémitisme refait surface, vous l’avez évoqué, dans les mots, sur les murs, il s’affiche sans crainte et sans honte. Et à cet égard, je veux ici être définitif. La République ne transige pas et ne transigera pas et nous serons impitoyables face aux porteurs de haine. Mais derrière cette haine antisémite il faut voir ce qui s’y trouve aussi : la haine des juifs, la haine des francs-maçons procèdent du même élan, sont deux préludes, deux prétextes à la haine de la République. Et je le répéterai sans cesse, là où l’antisémitisme entend s’installer, prospèrent avec lui toutes les autres formes de racisme et de haine identitaire, très rapidement. Et veillons à toutes les confusions dans une époque où les uns préfèrent rester ambigus sur la question de l’antisémitisme par souci de flatter de nouveaux communautarismes, et les autres prétendent soutenir nos compatriotes de confession juive en confondant le rejet des musulmans et le soutien des juifs, en refusant, ceux-là même, de condamner clairement leurs positions passées et tous les mots définitifs d’hier. Il n’y a pas de lutte véritable contre l’antisémitisme sans un réel universalisme, qui voit dans chaque citoyen un être de droit et de devoir, appartenant pleinement, totalement à la République et la nation.
« Rassembler ce qui est épars »
Et nous savons, vous savez, que les francs-maçons en seront, comme d’autres, des cibles évidentes. Dans cette époque en proie à la déraison, votre parole de raison a une place essentielle. Alors que les séparatismes et les fanatismes tentent de fissurer la nation, visant au chaos, au mépris parfois de leurs engagements passés ici même, il nous faut à nouveau pouvoir compter sur des soldats de l’idéal, prompts à rassembler ce qui est épars.
Il nous faut restaurer l’autorité, la civilité, l’harmonie. Et ce n’est pas un combat que la République peut mener seule. Ce combat pour l’unité est à reconquérir et à reprendre chaque jour par la démonstration, en paroles et en actes, par cette capacité à renouer le fil de la parole, à sortir des différences, des assignations à résidence dans lesquelles une époque qui n’est soumise qu’aux émotions et à la solitude, immanquablement renfermera les uns et les autres.
La réponse, vous le voyez, n’est dans aucun communautarisme. Elle est dans cet universalisme qui suppose cette maïeutique.
Le troisième défi, enfin, est que la grande idée de la franc-maçonnerie, celle de l’homme et du progrès, court un grand péril. Nous avons vécu en imaginant que la sombre prophétie de Michel Foucault sur la modernité, cette idée de l’homme qui s’effacerait, comme à la limite de la mer s’efface un visage de sable, que cette idée était excessive. En sommes-nous toujours si sûrs… Aujourd’hui, le risque existe de l’asservissement de l’homme par l’écran, de l’esprit humain par ses répliques artificielles, des peuples libres par de nouvelles forces totalitaires, des opinions éclairées par de puissants mouvements de haine, de notre civilisation industrielle par ses propres excès.
Il existe une crise profonde et structurelle, une crise de l’esprit et de l’espoir humaniste face aux grandes bascules technologiques, géopolitiques et climatiques. Je crois qu’il faut justement dans cette période renouer le fil d’un humanisme français et européen qui tiennent ensemble la liberté, l’égalité et la fraternité, qui conjugue progrès et écologie, progrès et régulation du numérique, progrès et réinvention démocratique, progrès et justice sociale.
« Les chaînes des dogmes… »
Un projet dont vous façonnez la forme dans vos cercles depuis deux cent cinquante ans… Celui qui fait l’homme libre en déliant les chaînes qui tiennent sa raison, les chaînes de l’assignation identitaire, les chaînes des intérêts sociaux, les chaînes des malheurs privés et de la pauvreté, les chaînes des dogmes et des asservissements politiques, chaînes des fatalités et des événements.
Ce sont ces chaînes qu’il faut briser, et d’autres liens se nouer au sein de l’école de la nation, d’une société apportant le progrès réel et l’élévation sociale d’un monde fondé sur les règles et le droit qu’il faut au contraire faire vivre.
Mesdames et Messieurs, aussi longtemps que la franc maçonnerie sera au travail, la République sera en éveil.
J’ai tâché ici de redire vos mérites, votre histoire et votre haute contribution à la France et à notre République. Mais aussi de dire quelques-uns de nos défis communs qui supposent de reprendre la bataille des idées et de défendre avec force, audace, les méthodes et les principes qui sont les vôtres.
Conservons ce lien séculaire sans embarras et sans excès, dans le plein respect de nos valeurs respectives, sans les confondre, mais en joignant leurs forces. Si je puis me permettre, j’ai dit. Vive la République et vive la France !
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Rédigé par hamlet le 29 janvier 2023
Le rapport de la CIASE sur les abus sexuels dans l'église a suscité de nombreux commentaires, à la fois sur la méthodologie utilisée, ses conclusions, et ses propositions pour remédier à la situation décrite.
Sa publication a suscité la création par la CEF d'un fond d'indemnisation pour les victimes, mais l'initiative pose question : au nom de quoi, dans un état qui se prétend "de droit", une institution non-judiciaire et partie prenante serait-elle légitime à édicter des modalités d'indemnisation spécifiques à certains actes, en disposant à sa guise de ressources fiancières qui, dans l'esprit des donateurs, ne lui appartiennent pas ? Et à entraîner par sa décision une reconnaissance d'une culpabilité sytémique collective, plus confortable que l'examen des responsabilités individuelles ?
La CIASE fut pilotée par Jean-Marc Sauvé, ancien membre du Parti Socialiste, et ancien membre - pendant douze ans - du Conseil d’État. Il s'y était distingué par sa volonté d'interdire le crucifix qui devait surplomber la statue de Jean-Paul II à Ploermel et par sa signature des deux arrêts de 2014 condamnant Vincent Lambert à mourir de soif. Si l'on y ajoute ses solides amitiés maçonniques, son statut de victime présumée, son passage au séminaire, son choix de s'entourer de Nathalie Bajos, Julie Ancian ou Josselin Tricou, personnalités aux opinions peu nuancées et très éloignés de l'enseignement catholique, il est abusif de le classer comme un "grand chrétien". Avant tout, il s'agit d'un grand bourgeois, politiquement à gauche, et donc progressiste.
Côté catholique, son interlocuteur fut Mgr Eric de Moulins-Beaufort, actuel évêque de Reims et président de la CEF. On se souvient qu'il avait déchaîné la colère des bonnes consciences républicaines, en octobre 2021, pour avoir rappelé que le secret de la confession était un absolu, et que les lois de la république ne pouvaient pas l'abolir. Rappelé à l'ordre par Darmanin, et convoqué place Beauvau, il s'y était docilement rendu pour s'en expliquer. Ce même ministre lui donnera la légion d'honneur le 6 décembre 2021. Pour services rendus ?
Le rapport de la CIASE avait publié une évaluation à 330.000 du nombre des victimes d'abus sexuels depuis les années 50, chiffre admis sans aucune objection par Mgr de Moulins-Beaufort, qui en avait conclu à une
perversion systémique de l'institution. Dans le public, le rapport avait accrédité l'idée que l'église catholique était un ramassis de prédateurs. Caroline Fourest avait salué
"le grand courage, la grande droiture de cette commission qui a traversé l'enfer". Evidemment.
Cependant, quelques intellectuels, et notamment l'académie catholique de France ont examiné la méthodologie du décompte de la CIASE, et pointé ses nombreuses lacunes.
Les juristes ont également pointé les aberrations de la démarche, dans la tribune publiée ci-dessous : dilution de la responsabilité personnelle, évaluation du pretium doloris, mutualisation des réparations. Ils en concluent au droit légitime de tout fidèle de ne pas co-financer l'échec du cléricalisme.
Comme souvent, ce sont les faits qui tranchent. Au 1° mars 2023, 1186 personnes ont contacté de l'instance financière de dédommagement (
INIRR), qui a pris 201 décisions, dont 190 décisions d'un dédommagement financier moyen de 37.000 euros*. L'écart entre le nombre évalué par la CIASE et le nombre de déclarants laisse à penser qu'au vrai, l'évaluation de la CIASE était aussi sérieuse que les prédictions d'apocalypse concernant la Covid...
* Il est à remarquer que les dédommagements ont été plafonnés à 60.000 euros, selon une idée portée à l'époque par Hollande, qui voulait plafonner les indemnités fixées par les prud'hommes. Au nom de quoi ?
Abus : « Les fidèles ont le droit légitime de ne pas cofinancer l’échec du cléricalisme »
Après leur Assemblée plénière, les évêques se sont engagés à créer un fonds d’indemnisation des victimes de violences sexuelles dans l’Église. Un collectif de catholiques juristes et universitaires s’interroge sur les moyens destinés à abonder ce fonds et défend le refus de certains fidèles de s’associer à ces indemnisations.
À Lourdes, examinant les suites de la Ciase, les évêques de France viennent de reconnaître leur « responsabilité institutionnelle » dans les affaires de mœurs, entraînant un « devoir de justice et de réparation ». Ils s’engagent le 8 novembre « en vue d’indemniser les personnes victimes » « à abonder » un fonds de dotation érigé depuis juin dernier selon la loi du 4 août 2008, dit « Fonds de secours et de lutte contre les abus sur mineurs » (SELAM) « en se dessaisissant de biens immobiliers et mobiliers de la CEF et des diocèses ». « Un emprunt pourra être souscrit » ont-ils encore avancé. Bien des contours demeurent imprécis et des questions complexes sans réponse sur une réparation pécuniaire et le principe de responsabilité.
Nous, laïcs juristes et universitaires, au service de la victime par nos métiers, sommes affligés pour les milliers de victimes blessées dans leur vie, à vie, comme par l’impunité des religieux ou laïcs missionnés qui se sont rendus coupables ; mais aussi meurtris pour les milliers de saints prêtres, diacres, religieux, consacrées et admirables bénévoles laïques, victimes collatérales. Pour autant, nous ne serions pas d’accord avec ce qui s’apparenterait à une « socialisation » ou « collectivisation » des graves « scandales » (Mt. 18 : 6) commis et modes de réparations envisagés.
Nous estimons n’avoir ni responsabilité ni culpabilité dans ces « scandales », crimes pédophiles comme les crimes d’omerta. Nous attendons toujours des explications, qui ne nous ont pas été fournies par la Ciase, de la part des présidents de la CEF, Mgrs Pontier, André Vingt-Trois et Ricard,en fonction entre 2001 et avant 2018.
Nous sommes troublés de l’absence de réflexion théologique sur la portée de certains choix juridiques. Si la réparation est le devoir du coupable d’un péché, mais aussi dit St Thomas d’Aquin de celui « Ne s’opposant pas, Ne dénonçant pas » (adage Tenentur omnes illi qui, quoquo modo), cela pose d’abord une question de responsabilité personnelle (prêtre ou évêque mis en cause), quitte à imaginer une reprise de l’action en dommage. Ensuite le docteur de l’Église n’a pas envisagé le pretium doloris (prix de la douleur) que même nos jurisprudences laïques n’ont admis qu’après la Seconde Guerre.
Quelle théologie peut-on se faire sur cette question complexe, aux carrefours avec les lois du Monde qui ramènent tout à l’argent ? Pour condamner le scandale aux petits, Jésus emploie l’image inouïe d’une peine capitale avec une meule d’âne attachée au cou, en même temps promet le paradis au coupable, condamné de droit commun, mais repentant, et à un blessé de la vie Il demande « veux-tu guérir ? » L’Église, n’étant pas une ONG, ne peut entrer dans une logique d’ONG. Quelques recommandations d’un rapport comme un communiqué de presse ne suffisent pas à épuiser toutes ces questions.
Nous rejetons aussi par avance toute mutualisation d’une réparation des victimes qui se ferait sur le dos de la confiance des fidèles, par le biais du risque d’un détournement indirect de leurs Deniers ou legs.Quelles relations transparentes aura ce fonds, doté de la personnalité juridique, titulaire de l’emprunt, avec la seule entité juridique civilement responsable que sont les Associations diocésaines, reconnues depuis 1923, sous protection mais aussi contrôle tant de la loi de 1905-1907 que des fidèles par l’intermédiaire de leur conseil diocésain ?
Ce sont théoriquement elles qui portent la responsabilité pécuniaire en inscrivant dans leur bilan une dette de réparations. C’est bien le Denier qui forme leur recette majoritaire pérenne (256 M€) suivi des legs (98 M€) (les quêtes vont aux paroisses et le casuel aux prêtres). Alimenté sur la base du « volontariat », ambitionnant la collecte de « 5 M € », ce fonds y suffira-t-il, sur la durée ? Un archevêque parle plutôt de « centaines » de M € ! La Ciase n’a pas expertisé à fond la question des recettes.
Si le sujet n’était pas si grave on sourirait à l’illusion que le fonds soit alimenté sur le « patrimoine des agresseurs » (Recom. 33), la moyenne de pension d’un religieux retraité étant de 900 € mensuels… On jure de tous côtés que le Denier ne servira pas, aujourd’hui ; tout au plus admet-on la vente de « biens immobiliers et mobiliers » de l’Église, mais avec quelles recettes si ce n’est le Denier ou des legs ont-ils été acquis après 1905 ? La confiance des donateurs et testateurs ne doit pas être rompue par le flou ou trahie par la suite par le risque de « cavalerie budgétaire ».
Si venir au secours des blessés est devoir de justice caritative, sans recourir nécessairement ou exclusivement aux dommages et intérêts, les fidèles ont le droit légitime de ne pas accepter de cofinancer l’échec du cléricalisme, selon le mot du pape, par le biais de leur Denier ou legs, antérieurs comme futurs. Le Denier est devoir de tout baptisé (Canon 222), mais comment blâmerait-on ceux qui décideraient en conscience, à titre conservatoire, de le verser à d’autres Fondations d’Église qu’aux Associations diocésaines tant que les clarifications ne viennent pas ?
Nous appelons donc à la vigilance sur toutes les questions que soulève ce « chantier » ouvert car les réponses vont au-delà du devoir présent, comme nous attendons des réponses précises qui en découleront. On ne peut plus se payer de l’incantatoire « Faites confiance à la hiérarchie », détournement du « Confiance ! n’ayez pas peur ! » (Mc 6 :50).
Signataires :
Marie-Thérèse AVON-SOLETTI, maître de conférences
Me Françoise BESSON, avocate
Christophe EOCHE-DUVAL, juriste
Edouard HUSSON, agrégé, professeur des Universités
Me Santiago MUZIO, avocat
Me Anne-Laure REVEILHAC DE MAULMONT, avocat
Me Daniel TARASCONI, avocat
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Rédigé par hamlet le 07 décembre 2022
Pierre Brochand, ancien directeur général de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) de 2002 à 2008, ainsi qu’ambassadeur de France, notamment, en Hongrie et en Israël, est
intervenu lors d’un colloque de la Fondation Res Publica sur le thème: «Pour une véritable politique de l’immigration». Extrait.
[…] Vous m’avez demandé de parler d’immigration et j’ai suggéré qu’on ajoute « enjeu central ». J’aurais pu aussi bien proposer « enjeu principal ».
Pour deux raisons :
- D’un côté, j’estime que, de tous les défis qu’affronte notre pays, l’immigration est le seul qui menace la paix civile et, à ce titre, j’y vois un préalable à tous les autres.
- D’un autre côté, l’immigration exerce sur l’ensemble de notre vie collective un impact transversal, que je tiens pour globalement négatif.
Mais, faute de temps, je négligerai ce second aspect, qui se traduit concrètement par une tiers-mondilisation rampante de la société française et sa régression continue dans des domaines clés, tels que l’éducation, la productivité, les services publics, la sécurité, la civilité, etc.
En d’autres termes, si tout ce qui va mal en France n’est pas la faute de l’immigration, loin s’en faut, elle y participe dans une mesure, à mon avis, très sous-estimée.[…]
Commençons par tordre le cou au « canard », selon lequel la France aurait toujours été un pays d’immigration. Pendant 1000 ans, des Carolingiens à Napoléon III, rien ne s’est produit. Depuis 1850, en revanche, nous avons connu trois vagues :
- La première a duré un siècle. D’origine euro-chrétienne, discrète, laborieuse, reconnaissante, régulée par l’économique et le politique, elle a représenté un modèle indépassable de fusion réussie.
- La deuxième a commencé dans les années 1970 et n’a fait que s’amplifier depuis. Elle est l’exact contraire de la première.C’est une immigration de peuplement irréversible, qui n’est calibrée ni par l’emploi, ni par le politique, mais engendrée par des droits individuels, soumis au seul juge national ou supranational. Nous sommes, donc, submergés par des flux en pilotage automatique, « en roue libre », dont les Français n’ont jamais explicitement décidé. Mais, surtout, l’écart identitaire qui nous sépare des arrivants n’a aucun équivalent dans notre Histoire. Tous viennent du «tiers-monde», de sociétés hautement défaillantes, et la majorité est de religion musulmane, ainsi qu’originaire de nos anciennes colonies. De plus, tous sont, comme on le dit aujourd’hui, « racisés ».
- La troisième lame a été déclenchée, il y a 10 ans, par le soi-disant « Printemps arabe », dont elle est une des conséquences néfastes. C’est pourquoi elle a d’abord pris la forme d’une crise d’urgence, rapidement devenue permanente, sous l’impulsion d’un nouveau dévoiement du droit, cette fois le droit d’asile, au besoin conforté par le droit de la mer et celui des mineurs.[…]
On n’a pas compris grand-chose à l’immigration actuelle si l’on n’a pas perçu d’emblée qu’elle était virtuellement conflictuelle, que ces conflits n’étaient pas quantitatifs mais qualitatifs – donc insolubles – et qu’ils s’inscrivaient, in fine, dans le très douloureux retour de bâton anti-occidental, déclenché par la globalisation. […]
Quand un groupe humain projette d’emménager chez un autre, il n’y a que cinq possibilités :
– (1) L’interdiction
– (2) L’absorption
– (3) La négociation
– (4) La séparation
– (5) L’affrontement
L’interdiction est tout simplement la mise en œuvre du « principe de précaution », que l’on invoque, à satiété, dans quasiment tous les domaines. Sauf apparemment celui de l’immigration, où il aurait pourtant consisté à bâtir une digue avant que n’arrive le tsunami. Autant dire qu’un projet aussi volontariste ne nous a même pas traversé l’esprit.
L’absorption ou assimilation, par ralliement asymétrique et sans retour à la culture d’accueil, fut longtemps notre paradigme. Nous l’avons abandonné en rase campagne, par renoncement à nous-mêmes, mais aussi par nécessité, car les volumes que nous avons admis ont très vite excédé ce seuil très exigeant.C’est pourquoi, nous avons cru pouvoir nous rabattre sur l’option 3.
La négociation ou l’intégration est, en effet, une position intermédiaire, où chacun fait un pas vers l’autre, mais où les immigrés gardent leur quant à soi : un pied dedans, un pied dehors. En bref, un compromis qui n’efface pas les divisions, mais espère les transcender par accord tacite sur une plateforme minimale : le respect des lois et l’accès à l’emploi. Cependant, en pratique, il s’avère que le plus gros des efforts est à la charge du groupe qui reçoit – c’est-à-dire nous -, aussi bien en termes financiers (politique de la ville, protection sociale), que de dérogations à nos principes (discrimination positive, mixité imposée, quotas).
Au final, certes, les intégrés sont plus nombreux que les assimilés, car le seuil de tolérance est plus élevé dans leur cas. Pour autant, ils ne sont pas majoritaires et je crains, surtout, que le contrat implicite, passé avec eux, ne soit qu’un CDD, susceptible de ne pas être renouvelé à échéance, si les circonstances changent et, notamment, si les immigrés et descendants franchissent – ce qui est inéluctable en prolongeant les tendances actuelles – la barre des 50% de la population.
Ainsi, ces résultats, pour le moins mitigés et ambigus, ont ouvert un boulevard à l’option 4 : la séparation, qui, dans les faits, est la preuve par neuf de l’échec des trois précédentes. Car, au fond, le scénario sécessionniste est la pente la plus naturelle d’une société « multi ». Quand des groupes répugnent à vivre ensemble, ils votent avec leurs pieds, se fuient, se recroquevillent, comme autant de répliques du séisme initial qu’est la migration. Se constituent, alors, ce qu’on appelle des diasporas, soit des noyaux durs introvertis, formés de populations extra-européennes, ni assimilées, ni intégrées et à tendance non coopérative.
Ces isolats territoriaux vont inéluctablement développer une double logique de partition et d’accélération. Partition, par inversion de la pression sociale, dans le sens de la conservation et de la transmission des codes culturels d’origine, y compris – ce qui est stupéfiant – à travers la réislamisation des jeunes. Soit une espèce de contre-colonisation, par le bas, qui ne dit pas son nom. Accélération, car les diasporas, dont le taux d’accroissement naturel est déjà très supérieur à la moyenne nationale, deviennent, à leur tour, génératrices d’immigration par aspiration juridique et aide à l’accueil. […]
Tous ces arrangements au quotidien ont beau se multiplier, ils ne suffisent pas à acheter la paix sociale et c’est alors que « ce qui doit arriver arrive » : quand plusieurs pouvoirs sont en concurrence ouverte, sur un même espace, pour y obtenir le monopole de la violence mais aussi des cœurs et des esprits, c’est le 5e cas de figure qui se réalise. L’affrontement. Ce que l’on désigne pudiquement par l’expression « violences urbaines » et dont on connaît bien la gamme ascendante. […]
Il y a deux préconditions à l’action : la transparence statistique et le rejet du discours intimidant. Si l’on veut s’attaquer à un problème, il est indispensable d’en cerner la dimension réelle. Or l’appareil statistique, centré sur le critère de la nationalité, ne permet pas d’évaluer toutes les répercussions d’un phénomène qui lui échappe largement.
C’est pourquoi, il est impératif de nous orienter vers des statistiques et projections dites «ethniques», dont l’interdiction n’est qu’une hypocrisie et une coupable préférence pour l’ignorance, donc le statu quo.
Quant au discours intimidant, c’est l’incroyable prêchi-prêcha que nous servent les médias, les ONG, les « people », et dont la seule finalité est d’organiser l’impuissance publique. Ces éléments de langage, que l’on nomme à tort « État de droit », ne sont, à mes yeux, que le reflet d’une idéologie qui, à l’instar de toutes les idéologies, n’a rien de sacré. À ceci près qu’elle est dominante depuis 50 ans. […]
L’immigration – il est facile de le comprendre – fonctionne comme une pompe qui refoule d’un lieu et aspire vers un autre. Nous ne pouvons rien, ou presque, pour empêcher le départ. Nous pouvons tout, ou presque, pour décourager l’arrivée.
D’où 6 grands axes :
- Envoyer, urbi et orbi, le message que le vent a tourné à 180°, en s’attaquant bille en tête à l’immigration légale, qu’il convient de diviser au moins par 10.
- Trancher à la même hauteur l’accès à la nationalité, qui doit cesser d’être automatique.
- Contenir l’immigration irrégulière, en divisant par 20 ou 30 les visas, y compris étudiants, accordés aux pays à risques, en n’acceptant plus aucune demande d’asile sur notre territoire, en abolissant toutes les récompenses à la tricherie (aide médicale d’Etat, hébergement, régularisations, débarquement de navires « sauveteurs »).
- Atténuer l’attractivité sociale de la France, en supprimant toutes les prestations non contributives aux étrangers, HLM compris, et en limitant à 3 enfants, par famille française, des allocations familiales, revalorisées sans conditions de revenus.
- Dégonfler les diasporas, en réduisant les types, durées et nombres de titres de séjour et en excluant les renouvellements quasi-automatiques.
- Muscler notre laïcité « chrétienne » pour l’adapter au défi très différent de l’islam, en ne neutralisant plus seulement l’Etat et l’école, mais aussi l’espace public, les universités et le monde de l’entreprise.
Si ces propositions s’inscrivent dans le cadre du droit existant, tant mieux, sinon il faudra le changer, quel qu’en soit le prix. Car le retournement proposé relevant désormais du salut public, sa férocité n’est que la contrepartie du temps perdu. […]
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Rédigé par hamlet le 13 février 2018
D'habitude, le rôle de l'enfant qui s'exclame que le roi est nu incombe à un illuminé isolé, une feuille de chou paroissiale, ou une radio périphérique. Mais il est des circonstances étranges où cette loi d'airain trouve des exceptions, et ici, c'est l'Obs, grand media mainstream, qui nous l'offre. Dans cette video de 5 minutes, le journaliste du grand hebdomadaire explique à quel point la voiture électrique est une escroquerie scientifique, économique, politique, et écologique. Avec la bénédiction de l'état.
Sur le même sujet, une étude brillante de Jean-Marc Jancovici :
La voiture électrique est-elle LA solution aux problèmes de pollution automobile ?
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Rédigé par hamlet le 18 juin 2017
Beaucoup d'éditorialistes se sont interrogés pour savoir vers où le président Macron voulait emmener le pays. La réponse est-elle si difficile ?
Du temps qu'il était ministre de François Hollande, Emmanuel Macron s'était distingué par une importante capacité de travail. Les images de l'ancien banquier d'affaire, discutant pied à pied et point à point en commission parlementaire, ont marqué les mémoires. Travailleur appliqué mais ministre médiocre, son effort fut sanctionné en proportion inverse des trésors d'énergie qu'il avait dépensé : malgré son adoption par la force - l'utilisation à deux reprises de l'article 49.3 - il serait difficile de démontrer que le résultat global de la loi Macron I soit positif, quand il serait mesurable. A tel point que François Hollande en décida de remettre la loi Macron II aux calendes grecques. C'était prudent.
Pourtant, les plus réfractaires au charme envoûtant du nouveau Président ne pourront refuser de lui reconnaître une remarquable audace. Tenir - et réussir - le pari d'"En Marche", il fallait quand même oser. Ils lui reconnaîtront également, même si elle a été soutenue par le dernier cri des techniques numériques, une habileté peu commune en matière de communication. Emblématique, l'utilisation immodérée du mantra incantatoire "et en même temps", qui lui a permis de parler avec un égal bonheur à ceux qui étaient pour et ceux qui étaient contre. N'est-ce pas cela, "rassembler" ? Et quelle réussite que cette mise en scène de son entrée en fonction, le soir du 7 mai, dans la cour du Louvre, où il avait su utiliser les symboles qui parlent au vieux Pays, et retrouver des accents régaliens qu'on croyait oubliés.
Audace et habileté sont des qualités indiscutables de notre nouveau chef d'État. Pour autant, suffisent-elles ?
Certes, Emmanuel Macron, pendant la campagne présidentielle, a dit à peu près tout et son contraire, entre deux formules vides de sens, et quelquefois niaises. Et jusqu'à ce jour du second tour des législatives, il s'est gardé d'une surexposition médiatique, imposant aux candidats présentés par son parti de faire de même. Ce qui lui permet notamment de masquer l'amateurisme de certains de ses impétrants, et de capitaliser sur l'effet positif du raz-de-marée macronien de l'élection présidentielle. Les images se gravent aussi en creux.
Quelques promesses de campagnes ont été opportunément abandonnées, moins de deux mois après son élection. Ainsi en est-il de la singulière proposition d'un retour au service militaire, ou du moins d'un service militaire réduit à un étiage tellement bas - un mois - qu'il n'aurait pas eu grand chose d'un service, ni rien de militaire. Ainsi est-il possible de parler à l'extrême-droite (le service), à la droite (un seul mois), et à la gauche, qui n'était pas assez aveugle pour ne pas voir que le projet était impossible à réaliser, faute de l'encadrement humain indispensable, et des infrastructures militaires nécessaires, régulièrement aliénées depuis 1996. Les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent.
Quelques affaires auront aussi été opportunément étouffées. Ainsi en est-il de Richard Ferrand. Si les costumes de Fillon lui ont valu une veste taillée sur mesure, les affaires immobilières de Richard Ferrand ont laissé de marbre enquêteurs, moralistes et autres gardiens sourcilleux de la moralité publique, réunis sous le haut-patronage de François Bayrou. Aucune enquête non plus sur les soupçons de détournement de fonds européens touchant ce même François Bayrou, mais aussi Marielle de Sarnez et Sylvie Goulard. Et l'emploi de la femme de Bruno Le Maire ne fera pas non plus l'objet de remarques qui seraient déplacées. En France, monsieur, on respecte les dames.
Le thriller haletant de l'affaire Grégory, vieille de trente ans, concentrant l'attention des médias mainstream, il leur aura été impossible de s'interroger sur quelques sujets intéressants, comme par exemple, les possibles conflits d'intérêts entre l'actuelle ministre de la Santé, Agnès Buzyn, et son statut d'ancienne salariée de laboratoires pharmaceutiques.Ou les approximations dans le casting des législatives : En Marche y avait adopté un processus de sélection tellement sévère que Manuel Valls n'avait pas pu en réussir les épreuves, ce qui n'a pas suffi à éliminer quelques candidats aux casiers judiciaires insolites, ou la présentation de candidats qui ne l'étaient pas, à l'insu de leur plein gré. Ou bien de revenir sur les propos peu amènes tenus par certains ministres du nouveau gouvernement au sujet du nouveau président, et la solidité de convictions qui en découle. Ou encore sur les curiosités des déclarations de patrimoine du Président, dont il est bien le seul à comprendre la cohérence, ou la liste des donateurs de sa campagne, qui doit être particulièrement intéressante.
Il faudra également pardonner à Emmanuel Macron d'avoir utilisé des poncifs éculés et quelque peu insultants, par son triple pèlerinage d'entre les deux tours de la présidentielle. Visage sombre, œil noir, et cravate de même couleur, il s'est rendu à Oradour, puis au mémorial de la Shoah, et enfin à l'endroit où un malheureux marocain, Brahim Bouarram, s'était noyé, poussé par des skinheads, à peu près la même époque que le petit Grégory. Ces démarches assez peu subtiles visaient à rappeler au peuple la noirceur extrême des électeurs de Marine Le Pen, tous fils de nazis, de gardiens de camps de concentration, et ratonneurs amateurs à l'occasion. Le premier tour avait démontré qu'il y en avait 11 millions, c'était énorme, et il y avait tout à craindre du risque que ces gens-là font peser sur la démocratie.
Tout cela, est-ce important ? Pas tellement. Car au delà de l'écume de l'actualité, sur les lignes essentielles, il n'y a aucune surprise à attendre du règne quinquennal d'Emmanuel Macron.
Sur l'Europe, la vision Macronienne, nourrie au mondialisme Bilderbergien (il en fait partie, comme Edouard Philippe ou Sylvie Goulard), va dans le sens d'une intégration toujours plus poussée. En témoigne son projet de budget Européen, qui conduirait, pour simplifier, à ce que les riches payent les dettes des pauvres, dans l'achèvement complet de la perte de la responsabilité budgétaire - ne parlons plus de souveraineté - des nations européennes. Il n'est pas certain que l'excellente Mme Merkel pousse la générosité de l'Allemagne jusqu'à régler les dettes de la Grèce.
Sur l'immigration, aucune modification n'est à attendre. A coups de pratiques discriminatoires, de lois "antiracistes", et d'"opérations de sauvetage", nous allons continuer à faire venir des Africains pour peupler nos banlieues, et demain nos villes. Dès aujourd'hui, la proportion de bébés de souche africaine naissant en Ile-de-France est de l'ordre de 60%. Dès aujourd'hui, les français de souche sont minoritaires, largement, dans certains départements. Cela n'inquiète pas le président Macron, qui, il est vrai, manque un peu de pratique en cette matière : à qui n'a pas d'enfant de son sang, si une telle expression est encore permise, le souci de l'avenir est moins angoissant.
Qui dit immigration parle d'identité. Ce qui n'est pas un sujet pour celui qui dit n'avoir jamais vu la culture française. Qu'il ne soit pas ici fait de mauvais procès : nul n'ignore qu'un certain nombre de chefs-d'œuvres de notre culture sont le fait d'artistes venus d'outre-France. Ce n'est pas de cela dont il s'agit : le problème du président Macron est qu'au fond, il n'est pas sûr qu'il soit Français. Car, nous serons d'accord, être français n'est ni une question de race, ni une question de papiers : or le président Macron est trop progressiste pour être seulement Français. Il est avant tout un concept, neutre et presqu'angélique, d'être humain global, homo economicus globalis, sans racines charnelles, en plus d'être un excellent acteur (il est vrai qu'il a eu la chance de bénéficier d'une remarquable professeur de théâtre). Avec lui, l'expression "les miens" devient un non-sens. Les siens, c'est tout le monde, puisqu'une fois la notion de frontière suffisamment oubliée, le monde n'est plus qu'un vaste espace global : je suis chez moi là où je pose mon sac à dos, ou ma valise Vuitton, selon les réussites sociales. C'est ainsi que tous deviennent apatrides.
S'il est une promesse de campagne qui sera respectée, ce sera celle de la hausse de la CSG. Au moment de l'élection de Giscard, en 1974, la France utilisait 33,5% de son PIB en dépenses publiques. Giscard avait péremptoirement estimé qu'au delà de 40%, le pays entrait en socialisme. Élégant, il s'était attaché à n'atteindre "que" le pourcentage de 39,4% à la fin du mandat qui a vu arriver Mitterrand. Aujourd'hui, nous en sommes à 53 ou 57%, selon les modes de calculs. Allez-vous croire que ces prélèvements extravagants soient le mal nécessaire à une meilleure répartition des richesses ? Que non : si en 1955 il fallait 29 ans à un ouvrier pour atteindre le niveau de vie d'un cadre, il en faut 166 en 2013*. C'est d'ailleurs le reflet de ce qui se passe au niveau mondial.
Si le Président Hollande a mis le pied à l'étrier au Président Macron, il y a un point sur lequel le Nouveau s'oppose à l'Ancien : celui de la Finance. Elle était l'ennemie jurée du premier, disait-il, tandis que le second y cultive de précieuses amitiés. Son message sur l'ISF, pour symbolique qu'il soit, est limpide : cet impôt révolutionnaire sera maintenu, mais les revenus du capital ne seront plus intégrés au calcul. Ce que l'on pourra excuser de la part de l'ancien banquier qu'il fut, tant il est naturel de montrer de la gratitude à son ancien employeur, et de l'amitié à ses anciens collègues. Mais plus loin, Emmanuel Macron n'a pas retenu dans ses objectifs prioritaires de réduire notre déficit budgétaire. Si la faiblesse des taux d'intérêt permet aujourd'hui que la charge de la dette ne soit pas encore au delà de nos capacités de remboursement (à elle seule, aux alentours de 50 milliards d'euros, elle est quand même le deuxième budget de l'État, derrière l'Éducation, et absorbe en totalité l'impôt sur le revenu), il suffirait d'un souffle, d'un rien, pour que ce souffle devienne le dernier soupir de l'économie française. En attendant, le poids de la parole politique diminue chaque jour, devant celle des créanciers.
Macron est discret sur le sujet du chômage. Il faut dire aussi que le chômage est utile : il ne faudrait pas qu'une pression trop forte sur le marché de l'emploi ne soit la cause d'un relèvement des salaires, qui rendrait notre pays moins compétitif. Il est également discret sur le nombre des fonctionnaires, leur productivité, leur niveau de rémunération et de retraite, et les avantages indus dont certains bénéficient, tandis que d'autres, au contraire, sont toujours parmi les damnés de la terre. Le dialogue social reste chose compliquée dans notre pays, le régime des ordonnances va permettre d'y pallier.
Sur les retraites, Macron s'est montré novateur : il a promis qu'il n'y aurait plus qu'un seul régime de retraite, et qu'un euro cotisé rapporterait la même chose au cadre supérieur ou au salarié de base. Mais que cela se traduirait par une baisse de leurs montants. Il est plus que probable que seule la seconde partie de cette promesse se réalise.
En matière sociétale, le Président, réputé très ouvert, est encore plus progressiste que ne le fut Christiane Taubira. Gérald Darmanin, son ministre de l'action et des comptes publics, anciennement de droite, et maintenant ni de droite ni de gauche, bien au contraire, n'a pas tardé à se faire épingler pour des propos hostiles à la loi Taubira, qu'il avait tenus à l'époque nauséabonde ou il était porte-parole de Nicolas Sarkozy. Il n'est pas certain que les fantaisies érotiques conjugales racontées par Bruno Le Maire, du temps où il émargeait à l'UMP et s'essayait à la littérature, suffisent à calmer les nouveaux inquisiteurs, toujours prêts à brûler de l'homophobe ou à casser du sexiste.
Ce qui change, ce sont les codes, les apparences, le discours, et le personnel politique. C'est l'apparente jeunesse. Macron est une sorte de réincarnation de Giscard, qui en son temps avait séduit la ménagère comme le manager, avec les mêmes arguments, pour aboutir au désastre que l'on sait. Ce qui ne change pas, c'est la ligne de fond, tant qu'il est vrai qu'il faut que "si nous voulons que tout reste tel que c’est, il faut que tout change". Jacques Attali a eu cette appréciation sévère : « De quoi Emmanuel Macron est-il le nom ? − Du vide. Du vide de la politique française. Il n’incarne que le vide de cette gauche qui veut à la fois être au pouvoir et ne pas y être parce qu’elle déteste la gauche de gouvernement. Il est de ceux qui rêvent que la gauche ne soit pas au pouvoir. Emmanuel Macron a un talent fou… Si seulement, il se saisissait d’un programme… »
Les seuls domaines où une amélioration est certaine, en dehors du cynisme politique, ce sont ceux de la communication et de l'image, dont Emmanuel Macron maîtrise parfaitement les codes. Ce qui est à la fois une force, et une faiblesse, car si la victoire d'Emmanuel Macron est due essentiellement à ce savoir-faire et à l'unanimité flagorneuse des médias mainstream, s'il s'avise de dévier de ce que veulent de lui les propriétaires de ces mêmes médias (une dizaine de personnes qui se connaissent et ont des intérêts convergents), l'arme de son succès pourrait aussi devenir la cause de sa chute.
Il reste à reconnaître que la France est maintenant beaucoup mieux représentée par ce Président juvénile au visage angélique, illuminé par un sourire irrésistible, plutôt que par le précédent qui, en plus de faire tomber la pluie, nous infligeait sa cravate de travers, ses manches de chemise tire-bouchonnées, et sa démarche embarrassée de pingouin égaré sur la banquise. Emmanuel Macron a bien compris, à juste titre, qu'une certaine verticalité était nécessaire au pouvoir, qu'il lui fallait renouer avec son antique sacralité, à tel point qu'il avait osé l'idée d'un "président jupitérien". Le lendemain de son élection, certains se sont étonnés qu'il ne guérisse pas les écrouelles. S'il est un peu jeune encore pour endosser le costume du dieu des dieux, force est de reconnaître qu'Emmanuel Macron a quelque chose d'un prince : il n'est pas impossible que ce soit celui du mensonge.
*L'express n°3441 du 14 au 20/06/2017
** Challenges, interview du 13/05/2016
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