L'immigration en question
Rédigé par hamlet le 07 décembre 2022
- D’un côté, j’estime que, de tous les défis qu’affronte notre pays, l’immigration est le seul qui menace la paix civile et, à ce titre, j’y vois un préalable à tous les autres.
- D’un autre côté, l’immigration exerce sur l’ensemble de notre vie collective un impact transversal, que je tiens pour globalement négatif.
- La première a duré un siècle. D’origine euro-chrétienne, discrète, laborieuse, reconnaissante, régulée par l’économique et le politique, elle a représenté un modèle indépassable de fusion réussie.
- La deuxième a commencé dans les années 1970 et n’a fait que s’amplifier depuis. Elle est l’exact contraire de la première.C’est une immigration de peuplement irréversible, qui n’est calibrée ni par l’emploi, ni par le politique, mais engendrée par des droits individuels, soumis au seul juge national ou supranational. Nous sommes, donc, submergés par des flux en pilotage automatique, « en roue libre », dont les Français n’ont jamais explicitement décidé. Mais, surtout, l’écart identitaire qui nous sépare des arrivants n’a aucun équivalent dans notre Histoire. Tous viennent du «tiers-monde», de sociétés hautement défaillantes, et la majorité est de religion musulmane, ainsi qu’originaire de nos anciennes colonies. De plus, tous sont, comme on le dit aujourd’hui, « racisés ».
- La troisième lame a été déclenchée, il y a 10 ans, par le soi-disant « Printemps arabe », dont elle est une des conséquences néfastes. C’est pourquoi elle a d’abord pris la forme d’une crise d’urgence, rapidement devenue permanente, sous l’impulsion d’un nouveau dévoiement du droit, cette fois le droit d’asile, au besoin conforté par le droit de la mer et celui des mineurs.[…]
- Envoyer, urbi et orbi, le message que le vent a tourné à 180°, en s’attaquant bille en tête à l’immigration légale, qu’il convient de diviser au moins par 10.
- Trancher à la même hauteur l’accès à la nationalité, qui doit cesser d’être automatique.
- Contenir l’immigration irrégulière, en divisant par 20 ou 30 les visas, y compris étudiants, accordés aux pays à risques, en n’acceptant plus aucune demande d’asile sur notre territoire, en abolissant toutes les récompenses à la tricherie (aide médicale d’Etat, hébergement, régularisations, débarquement de navires « sauveteurs »).
- Atténuer l’attractivité sociale de la France, en supprimant toutes les prestations non contributives aux étrangers, HLM compris, et en limitant à 3 enfants, par famille française, des allocations familiales, revalorisées sans conditions de revenus.
- Dégonfler les diasporas, en réduisant les types, durées et nombres de titres de séjour et en excluant les renouvellements quasi-automatiques.
- Muscler notre laïcité « chrétienne » pour l’adapter au défi très différent de l’islam, en ne neutralisant plus seulement l’Etat et l’école, mais aussi l’espace public, les universités et le monde de l’entreprise.
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Actualité de Nicolas de Hannappes
Rédigé par hamlet le 02 septembre 2018
Le 18 mai 1291, la ville fortifiée de Saint-Jean-d'Acre, ultime port croisé ayant résisté aux assauts des Mamelouks, tombait sous les assauts des troupes du sultan Al Ashraf Khalil. Cette chute marquait la fin de l'aventure des croisades en Orient. Parmi les nombreuses victimes se trouvait le patriarche latin de Jérusalem, Nicolas de Hannappes, religieux dominicain originaire des Ardennes.
Voici ce qu'écrivait Jean-Pierre Maugendre, dans un article datant de 2016 paru sous le titre "Actualité de Nicolas de Hannapes" :
Pendant toute la durée du siège il avait été héroïque, soutenant le courage et l'ardeur des combattants. À l'heure de la fin, il avait embarqué à bord d'un navire mais, ne pouvant se résoudre à abandonner ses ouailles à leur triste sort, il avait exigé que l'on continuât d'accueillir à bord de son embarcation les fidèles qui fuyaient la ville assiégée. Le vaisseau surchargé finit par sombrer, entraînant dans l'abîme et la mort son équipage, les passagers et le patriarche lui-même.
Est-il incongru d'observer que le patriarche, ainsi mu par une compassion aussi puissante que désordonnée, n'avait fait, concrètement, qu'ajouter du malheur au drame en cours ? Quelles leçons tirer de ce tragique événement ?
La responsabilité des autorités politiques
À bord d’un navire, le responsable devant Dieu et les hommes en est le commandant et pas l’aumônier ni le passager aussi prestigieux et titrés soient-ils. C’est le commandant qui connaît le nombre de personnes que son embarcation peut embarquer. Analogiquement ce sont les autorités politiques et non les autorités ecclésiastiques qui sont en charge de mesurer quelle part de « nouveaux arrivants » peuvent supporter les nations dont elles ont la responsabilité. Le rôle de l’Église est simplement d’exhorter à la générosité comme le fit par exemple Pie XII en 1948 s’adressant aux évêques américains : «La domination de chaque nation bien qu'elle doive être respectée ne peut être exagérée au point que, si un endroit quelconque de la terre offre la possibilité de faire vivre un grand nombre d'hommes, on n'en interdira pas, pour des motifs insuffisants et pour des causes non justifiées l'accès à des étrangers nécessiteux et honnêtes , sauf s'il existe des motifs d'utilité publique, à peser avec le plus grand scrupule ».
La prudence, vertu politique
La prudence qui est l'appréciation raisonnable des faits est, par excellence, la vertu des chefs. Il n'est pas demandé à une idée d'être généreuse mais d'être juste, c'est-à-dire conforme à la réalité des faits. Notre erreur, cruelle, serait de croire que la bêtise est inoffensive. Concernant l'immigration extra-européenne qui déferle sur notre continent, la prudence recommanderait de ne laisser pénétrer sur notre sol que des populations disposées à s'intégrer à notre civilisation, effectivement victimes de persécution dans leurs pays et en nombre suffisamment faible pour qu'elles soient assimilables.
La prise de décision juste n'est pas réductible aux grands principes, si généreux soient-ils en apparence, déconnectés de la réalité. Le nombre de passagers que peut embarquer le navire dépend, aussi, de l'état de la mer. Quand Nicolas Sarkozy déclarait à Sofia, le 5 octobre 2007 : «Chaque fois que quelqu'un est humilié, est persécuté, est opprimé, il devient automatiquement Français», la consternation du lecteur le disputait alors à la commisération.
Nous sommes en guerre
De plus est-il utile de rappeler qu'une partie du monde musulman, en particulier sunnite, nous a déclaré la guerre ? Une réalité s'impose : il n'est pas impossible que parmi les réfugiés musulmans sunnites issus du Moyen-Orient se soient glissés quelques terroristes islamistes. Le souci de cohérence exige que les actions suivent les déclarations et qu'après avoir pris acte de l'état de guerre dans lequel nous nous trouvons les autorités politiques et ecclésiastiques en tirent les conséquences logiques.
Le catéchisme de l'Église Catholique le rappelle justement § 2241 : «Les nations mieux pourvues sont tenues d'accueillir autant que faire se peut l'étranger en quête de la sécurité et des ressources vitales qu'il ne peut trouver dans son pays d'origine. (…) Les autorités politiques peuvent en vue du bien commun dont elles ont la charge subordonner l'exercice du droit d'immigration à diverses conditions juridiques, notamment au respect des devoirs des migrants à l'égard du pays d'adoption. L'immigré est tenu de respecter avec reconnaissance le patrimoine matériel et spirituel de son pays d'accueil, d'obéir à ses lois et de contribuer à ses charges.»
Forts de cet enseignement nous voilà habilités à rappeler à tous les héritiers spirituels, l'abnégation et le dévouement en moins, de Nicolas de Hannappes – ecclésiastiques dévoyés ou idéologues déracinés –, que nous ne laisserons pas le navire qui porte le beau nom de France être submergé au-delà de ses capacités d'accueil par des populations qui, loin de fuir le joug islamique, en sont, aujourd'hui, trop souvent les complices.
Jean-Pierre Maugendre
Il n'est pas interdit, même à ceux qui comme moi portent une immense estime à Jean-Pierre Maugendre, dont la réflexion porte la marque d'un solide bon sens, d'imaginer un sort moins tragique aux passagers de Saint Jean d'Acre.
En effet, pendant ce siège, certains autres navires ont réussi à s'échapper par la mer, et à atteindre Chypre. Si ce dernier bateau a sombré, ce n'est pas seulement parce qu'il était surchargé, mais aussi parce que la mer était mauvaise. Tous les marins vous diront la traîtrise de la mer méditerranée.
Puisque le navire a coulé, les exigences du Patriarche apparaissent comme criminelles. Mais si le navire avait fluctué sans mergiter, ce même Patriarche aurait été porté en triomphe. Une partie de la morale de cette histoire est donc déterminée par la survenue d’événements dont la survenance n'était pas certaine, mais simplement évaluables en terme de probabilités.
Trois éléments sont à considérer. Tout d'abord, le champs des responsabilités. Sur le navire, le Capitaine est seul maître après Dieu, selon l'expression consacrée. Puis la doctrine d'emploi des matériels, qui fixe une capacité d'emport au bateau. Enfin, le jugement prudentiel, appuyé sur l'expérience des marins qui savent au vent et à l'aspect des nuages, quel est l'état de la mer. Ce jugement prudentiel permet si nécessaire, d'outrepasser la doctrine d'emploi, en fonction de l'équilibre risque/bénéfice de l'action envisagée. On pourrait presque y ajouter un quatrième élément, la chance, critère indispensable à Napoléon et à beaucoup d'autres chef de guerre, la fortune d'un Bournazel au burnous écarlate, ou la baraka d'un Général au Petit-Clamart.
Ce 18 mai 1291, donc, le Patriarche a pris la responsabilité d'exiger du Capitaine un appareillage dangereux, tandis que le Capitaine a pris la décision (ou a cédé ?) d'accepter une injonction illégitime du Patriarche. Tous deux connaissaient leurs domaines d'autorité réciproques. Tous deux connaissaient les limites techniques d'utilisation du matériel, du moins le Capitaine a informé le Patriarche de cette donnée technique simple. Reste que tous deux, dans cette décision, ont posé un jugement prudentiel difficile à étayer : l'état de la mer ne laissait probablement pas envisager un naufrage imminent, et les deux protagonistes ne disposaient pas d'informations météorologiques autres que celle liées à l'observation du ciel et de la direction du vent. Les techniques actuelles sont tout de même beaucoup plus précises.
Tous deux ont été sanctionnés par Neptune et Éole, faisant du Capitaine un faible ou un lâche, et du Patriarche un ultra-orthodoxe ou un intégriste, et ce sont les poissons, qui ont dévorés leurs rêves d'égaler Ulysse ou de vibrer d'une ferveur égale à celle des Apôtres.
Mais tout fut perdu, fors l'honneur : c'est leur réunion dans la mort, qui sauve l'honneur des deux protagonistes. En effet, qui pourrait formuler une condamnation définitive de l'un ou de l'autre ? La seule chose qui était nécessaire était qu'ils embarquassent sur la même barcasse, ce qui était la manière la plus simple et la plus franche d'assumer leurs décisions : partager absolument le sort de ceux dont ils avaient la charge. C'est cela, assumer.
C'est dire à quel point le monde politique trouverait profit à méditer l'histoire de Nicolas de Hannapes...
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Le Duc d'Aumale, général à 21 ans, prend la Smala dAbd-el-Kader
Rédigé par hamlet le 19 décembre 2017
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Rafle du vel d'hiv : à qui profite le crime ?
Rédigé par hamlet le 16 juillet 2017
Ce 16 juillet 2017, Emmanuel Macron et Benjamin Netanyahou, Premier ministre israélien, concélèbrent le 75ème anniversaire de la rafle du Vel d’Hiv. A cette occasion, le Président de la République proclame que selon lui, «c’est bien la France qui organisa la rafle puis la déportation et donc, pour presque tous, la mort des 13152 personnes de confession juive arrachées les 16 et 17 juillet [1942] à leur domicile».
Le Président français adopte ici une position inverse de celle que tenait le général De Gaulle. En effet, ce dernier considérait que le régime de Vichy n'était qu'une "autorité de fait", et que le seul gouvernement légitime était celui de la France Libre, à Londres. A ce titre, il s'était refusé à reconnaître la responsabilité de la France dans cette rafle.
Le droit donne raison au Général. En effet, la loi constitutionnelle de 1875 prévoit de pouvoir accorder au Parlement le droit de réviser la Constitution, mais ne l'autorise pas à déléguer ce pouvoir. Ainsi, le 10 juillet 1940, le vote des pleins pouvoirs constituants au Maréchal Pétain, bien que ratifié par 88% des parlementaires (649 sur les 846 ayant pris par au vote, 50% de gauche, 42% de droite et 8% sans étiquette), était-il entaché d'inconstitutionnalité. De Gaulle, s'appuyant sur les analyses de René Cassin, a contesté la légitimité de l'État Français dès le 27 octobre 1940, dans le manifeste de Brazzaville. Et à l'issue de la guerre, l'un des premiers textes du Gouvernement Provisoire sera l'ordonnance du 9 août 1944, déclarant "nuls et de nul effet" tous les actes relevant de l'État Français à compter du 16 juin 1940. Nul ne conteste aujourd'hui qu'en terme de droit l'État Français, en plus d'être inconstitutionnel, était juridiquement distinct de la République, en dépit des hommes qui ont pu appartenir aux deux régimes.
En 1992, Mitterrand dut faire face à un "appel" publié dans Le Monde par un "Comité Vel d'Hiv 42", poussé par le militantisme effréné de Serge Klarsfeld, exigeant rien moins de la France qu'elle endosse la responsabilité de la rafle, au nom de l'implication de certains de ses agents. Simone Veil avait fait part de son opposition à cette demande. Mitterrand, interrogé à ce sujet par Paul Amar, le 14 juillet 92, répondit au journaliste : "Ne demandez pas des comptes à la République, elle a fait ce qu'elle devait. L'État français, ce n'était pas la République". Il se rendra, le 16 juillet de cette année là, à la cérémonie du Vel d'Hiv, où il fut hué par les associations juives présentes. Il n'y prit pas la parole. Le 11 novembre, comme à son accoutumée, il fit déposer une gerbe sur la tombe du Maréchal Pétain. Mais en février 1993, il dût promulguer un décret instituant un "journée nationale commémorative des persécutions racistes et antisémites commises sous l'autorité de fait dite "gouvernement de l'Etat français (1940-1944)", et s'abstenir désormais d'aller de faire fleurir la tombe du vieux Maréchal.
Jacques Chirac, dans un discours du 16 juillet 1995 dû à la plume de Christine Albanel, eut des mots très ambigus : "Oui la folie criminelle de l'occupant a été, chacun le sait, secondée par des Français, secondée par l'État français". Le discours reste ici parfaitement factuel : la rafle, décidée par l'occupant, a effectivement été organisée avec le concours des autorités françaises de l'époque, puis exécutée par sa police. Chirac pointe un rôle de relais, n'évoquant la question de la responsabilité de la France que de manière allusive. La suite du discours prend bien soin de distinguer "la France" de "l'État Français", "cette France n’a jamais été à Vichy", et de relever l'action de "ces justes parmi les nations qui, au plus noir de la tourmente, en sauvant au péril de leur vie, comme l’écrit Serge Klarsfeld, les trois quarts de la communauté juive résidant en France, ont donné vie à ce qu’elle a de meilleur". Peine perdue : les commentateurs, militants, profiteront du manque de netteté du discours pour annoncer que la France endossait enfin la responsabilité de l'opération, et se réjouiront avec tapage d'une victoire qu'ils avaient pour partie inventée.
Si l'on s'en tient aux textes, l'opinion commune selon laquelle ce serait Jacques Chirac qui aurait le premier reconnu la responsabilité de la France n'est donc pas strictement vérifiée. En réalité, ce fut Hollande qui le premier affirma sans détour que la France y avait commis un crime, dans son discours du 22 juillet 2012 : "La vérité est dure, elle est cruelle. Mais la vérité, c'est que pas un soldat allemand, pas un seul, ne fut mobilisé pour l'ensemble de cette opération. La vérité, c'est que le crime fut commis en France, par la France". De nouveau, les commentateurs applaudirent bruyamment, saluant le pas franchi depuis Chirac. Richard Prasquier, président du CRIF, fait savoir sa satisfaction, ainsi qu'Arno Klarsfled, alors président de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Serge Klarsfeld, son père, président de l’association des Fils et filles des déportés juifs de France rappelle cependant que "si 11.000 enfants juifs ont été déportés" pendant la Deuxième Guerre mondiale, "60.000 furent sauvés par la population française, qui, dans son ensemble, mérite d’être qualifiée de juste". Si la droite récuse le propos d'Hollande, à gauche le PS applaudit, par les voix de Martine Aubry, première secrétaire, et de David Assouline, porte-parole, et même de Valérie Trierweiler, favorite à l'époque. Néanmoins, de fortes voix de gauche s'élevèrent contre le propos présidentiels. Entre autres, celles de Chevènement et de Pierre Bergé, pour une fois du même avis que Guaino. Et ceux qui avaient lu ce discours ont pointé les erreurs historiques qu'il contenait déjà.
Macron, dans un discours du 16 juillet 2017 attribué à la plume de Sylvain Fort, s'inscrit dans la ligne Hollande : "oui, je le redis ici, c’est bien la France qui organisa la rafle puis la déportation". Macron justifie son négationnisme de la position gaullienne au motif que "Vichy ce n’était certes pas tous les Français, vous l’avez rappelé, mais c’était le gouvernement et l’administration de la France [...] La France de l’État français ne se substitua pas en une nuit à la France de la III° République. Ministres, fonctionnaires, agents, responsables économiques, cadres, professeurs, la III° République fournit à l’État du maréchal Pétain la plus grande partie de son personnel". Pour Macron, la France de Vichy est la France au plan du droit, nonobstant son inconstitutionnalité (ce qui implique que la France Libre ne soit pas "la France"), car selon lui, Vichy est la continuation morale de la République.
Que l'on se place au plan moral ou au plan du droit, ce qui demeure inacceptable dans les deux cas, c'est d'occulter volontairement les éléments principaux du débat.
Le premier élément de contexte, c'est qu'en 1942, la France a perdu la guerre que son gouvernement avait déclaré à l'Allemagne et que la défaite est totale. Que ses troupes ont été balayées en quelques semaines, que sa population a été jetée, hagarde, sur les routes de l'exode. Que la France de 1942 est à la botte de l'occupant nazi, qui envahira la zone libre en novembre, et qu'elle n'a aucun moyen de se soustraire à ses exigences. De cela, oui, le gouvernement de la République est comptable.
Le second élément de contexte, c'est qu'en 1942, la réalité épouvantable des camps de la mort est ignorée. Officiellement, les allemands ont besoin de main d'œuvre, et ne déportent que des travailleurs entre 16 et 50 ans. Berlin interdit la déportation des personnes de moins de 16 ans (c'est pour cette raison que les enfants du Vel d'Hiv ont été séparés de leurs parents). En cela, l'opération du Vel d'Hiv n'est qu'une opération de police presque "banale" dans le contexte d'une défaite absolue. Les effectifs français font ici un travail de police, certes marqué du sceau de l'injustice, mais il ne s'agit en aucun cas pour eux de participer à un crime collectif dont aucun n'a connaissance.
C'est masquer que l'intention de "la France", ou du gouvernement Français, comme on voudra, aura été de diminuer les exigences du vainqueur, et, contre toute attente, d'y réussir. L'occupant exigeait 40.000 juifs, René Bousquet avait proposé 10.000. La circulaire de police en avait désigné 27.000, 13.000 seront arrêtés. Tous les juifs Français ont été protégés, sans exception. Sans doute les négociations entre Bousquet et le Général SS Oberg, exécutant les ordres d'Adolf Eichmann, petit fonctionnaire borné selon l'appréciation d'Hannah Arendt, auront-elles été épouvantables, il n'en reste pas moins que des milliers de personnes leurs doivent la vie.
C'est masquer que l'antisémitisme français des années 30 n'a rien à voir avec l'antisémitisme nazi de la même époque. Serge Klarsfeld le rappelle lui même : "la population française, [...] dans son ensemble, mérite d’être qualifiée de juste". Faire de la France de 1942 un pays antisémite, au sens nazi du terme, au prétexte de l'action honteuse de certains français, est une contre-vérité absolue et dégradante, tout aussi inacceptable que celle qui consisterait à faire d'Israël un pays nazi, au prétexte de l'action honteuse de certains israélites, dont certains furent parmi les plus grands théoriciens du nazisme, et d'autres parmi ses collaborateurs, jusque dans les camps.
C'est masquer ce que la collaboration doit à la gauche, et ce que l'anti-germanisme doit à la droite maurrassienne, pour tenter de faire croire avec un cynisme absolu que la plus grande menace pesant sur la France serait constituée de onze millions de racistes et d'antisémites n'attendant que la victoire électorale d'une walkyrie blonde pour défiler à nouveau au pas de l'oie, car c'est bien l'image portée en creux par le début de son discours.
C'est faire semblant de ne pas savoir que morale et politique ne relèvent pas du même plan, et qu'une position moralement juste peut aussi être politiquement erronée, voire mortelle. Ainsi des Pays-Bas, dont les évêques avait fait lire dans les églises, en Juillet 1942, une lettre condamnant "le traitement injuste et sans merci réservé aux Juifs", lettre qui a été l'une des causes de l'accentuation des déportations dans ce pays, dont la population juive a finalement payé l'un des plus lourds tributs, au prix de son sang.
Jupiter, s'il condamne sévèrement "la France" après 75 ans, n'a pas éprouvé le besoin d'exposer au vulgum pecus ce qu'il aurait fait, à la place du Préfet Bousquet, et osé garantir que le refus outré qu'il aurait opposé à Oberg l'aurait inévitablement conduit à abandonner l'opération Vel d'Hiv. Car il n'y avait pas de solution indiscutablement juste, et la solution du préfet Bousquet était peut-être la moins pire. Vaut-il mieux avoir les mains propres et l'âme couverte de sang, ou alors ne pas craindre de se salir les mains, pour tenter de diminuer le nombre des victimes ?
La question de la responsabilité se résous par la réponse à une question simple : cette opération aurait-elle eu lieu, si le III° Reich n'avait pas contraint l'État Français à y engager ses moyens ? Elle est évidemment négative, et ceci explique que la conscience universelle considère comme une évidence que la responsabilité essentielle, primordiale, écrasante, en revient à l'idéologie délirante du III° Reich, totalement étrangère aux traditions Françaises, et la responsabilité précise, méthodique, portée par l'autorité allemande, unique donneur d'ordre de l'opération du Vel d'Hiv.
Il revient aux historiens, et non aux politiques, de débattre en toute liberté, de la responsabilité des personnes qui furent les acteurs de cette rafle. Responsabilité à différencier en fonction de leur degré de d'information, en fonction de l'appréciation de leur liberté de manœuvre, en fonction de la certitude qu'une conduite différente aurait été un mieux. C'est dire qu'il faudra du temps pour arriver à un pont de vue consensuel. Mais la seule certitude absolue de l'issue de ce débat, c'est qu'à l'évidence, aucun consensus d'historiens ne reconnaîtra "la France" comme responsable de la mort des déportés du Vel d'Hiv.
A l'étranger, cette polémique franco-française n'a eu strictement aucun écho, car il ne viendrait à aucun pays au monde de charger la France d'une responsabilité aussi grotesque.
Aussi, l'attitude du président Français pose question. Quelle contrainte, quels intérêts supérieurs, quelles nécessités, aura-t-il fallu pour que Président Macron se rende auteur d'un recyclage aussi grossier ? Et à qui profite ce crime délibéré - car il est inimaginable que Macron soit sincère - de falsification de l'histoire ?
Big Brother pour les nuls
Macron ne craint pas d'énoncer : "Je récuse aussi ceux qui font acte de relativisme en expliquant qu’exonérer la France de la rafle du Vel d’Hiv serait une bonne chose. Et que ce serait ainsi s’inscrire dans les pas du général de Gaulle, de François Mitterrand qui, sur ce sujet, restèrent mutiques. Mais il est des vérités dont l’état de la société, les traumatismes encore vifs des uns, le déni des autres a pu brider l’expression."
C'est beau comme l'antique, mais comme souvent dans l'antique, tout est faux dans ce paragraphe. Du début à la fin.
Personne ne cherche à relativiser "parce que ce serait une bonne chose". Mais de grandes voix, De Gaulle, Mitterrand, Guaino, Chevènement, Bergé, Jeanneney, Le Pen, et bien d'autres, ont affirmé que de leur point de vue, la France n'était pas comptable des morts du Vel d'Hiv, au nom d'arguments explicites et non "parce que cela ne serait pas bien". L'intelligence de cette phrase consiste à instiller l'idée que ceux qui ont tenu l'opinion contraire à celle de Jupiter, pensaient en fait la même chose, mais l'auraient caché, parce que c'était "une bonne chose".
Poser que le Général De Gaulle et Mitterrand seraient restés "mutiques" est une contre-vérité historique éhontée, car les réactions de l'un et de l'autre ont été exprimées officiellement, comme en témoignent les multiples articles de presse de l'époque, au contraire de celles de Pompidou et Giscard, restés discrets. L'intelligence de cette phrase consiste à instiller l'idée que ne pas être mutique est un devoir moral, et de reprocher ce mutisme non pas à ceux qui sont restés mutiques, mais à ceux qui ne l'ont pas été, mais avaient une opinion contraire à celle de Jupiter. Plus c'est gros, plus ça passe.
Revenant ensuite sur son accusation précédente, Macron en dévoile l'explication : l'état de la société, la proximité des traumatismes, et le déni, seraient les causes du "mutisme" de De Gaulle et Mitterrand. Sauf que c'est au nom du droit constitutionnel que De Gaulle avait récusé la responsabilité de la République, et que c'est précisément à cause de l'état de la société que Mitterrand à été contraint de faire ce qu'il n'avait pas l'intention de faire, c'est à dire l'instauration d'une journée du souvenir. L'intelligence de ce passage consiste à diminuer la responsabilité personnelle des accusés aux yeux du lecteur inattentif, afin de rendre acceptable l'idée qu'ils aient pu être coupables. Une fois l'idée de cette culpabilité acceptée, l'étape suivante sera de nier les circonstances atténuantes invoquées au début. Facile.
La perversité manipulatrice de ce discours est absolument fascinante, et ce n'est pas pour rien que Sylvain Fort, précédemment plume de Laurent Vauquiez, est un ancien de Normale Sup. A chaque phrase, il faut se demander où est le piège. Et s'il n'est pas trouvé, relire la phrase. Bien peu d'esprits "normaux" sortiront indemnes de cette lecture, sauf à consentir à un travail de réflexion, de documentation, et de distanciation. Justement ce contre quoi conspire le monde moderne.
Jupiter pour les nuls
Le discours de Macron comporte aussi des passages odieux : "Ce que nous croyons établi par les autorités de la République sans distinction partisane, avéré par tous les historiens, confirmé par la conscience nationale s’est trouvé contesté par des responsables politiques français prêts à faire reculer la vérité. C’est faire beaucoup d’honneur à ces faussaires que de leur répondre, mais se taire serait pire, ce serait être complice."
Ce paragraphe est effrontément mensonger dans sa première partie, puisqu'il n'existe aucune autorité ni aucun consensus d'historien qui aurait défini la responsabilité de la France. Par plus que de préoccupation de conscience nationale, qui ne se sent pas heureusement pas concernée spécifiquement par l'histoire du Vel d'Hiv, et à qui il ne viendrait pas à l'idée de s'affliger d'une culpabilité imaginaire.
Et dans sa seconde partie, le Président de tous les Français, adoptant une posture jupitérienne d'arbitre de la morale et de juge ultime de la vérité - décrète ex cathedra que sa rivale des élections présidentielle n'est qu'une faussaire à qui il ne veut bien parler, les sourcils froncés, que pour ne pas paraître son complice. Un maître-faussaire, ça ose tout.
L'homme que le Président Macron a invité à sa droite, et qu'il appelle affectueusement "Bibi", doit se tordre de rire. Benjamin Netanyahou, "Bibi" pour les intimes, classé infiniment plus à droite que Marine Le Pen, avait provoqué en octobre 2015 une indignation mondiale en affirmant qu'Hitler n'avait pas souhaité exterminer les juifs, mais qu'il s'agissait d'une idée du Mufti de Jérusalem. C'est dire qu'en matière de falsification d'histoire, "Bibi" est une sacrée référence.
Macron pour les nuls.
Plus loin dans ce discours, Emmanuel Macron dévoile enfin son plan contre la violence, issu de toute la complexité de sa pensée : "Ce sont toutes ces haines qui se fondent sur ce que l'on est, sur d'où l'on vient, sur ce que l'on croit que nous devons combattre".
Ces mots sont proprement stupéfiants.
Ainsi, pour vaincre la haine, Emmanuel Macron nous admoneste de combattre tout à la fois l'identité, la mémoire, et les croyances ?
Comment et pourquoi aurait-il fallu lutter contre le nazisme, s'il ne faut croire en rien ? Qu'est qu'une patrie, si l'identité n'est qu'une des sources de la violence ? Quel est l'avenir d'un homme sans mémoire ?
Comment le peuple juif lui-même, qui ne doit sa survie depuis la chute de Jérusalem (Titus, 70) qu'à la jalouse préservation de ce en quoi il croit, de la mémoire d'où il vient, et de son identité, peut-il accueillir son discours ? Ne se sent-il pas concerné par ce programme d'Emmanuel Macron, qui pose ainsi les fondements d'un nouveau totalitarisme, pas très loin de celui inventé par Rosenberg, Feder, et Goebbels ?
Classé dans : Histoire - Mots clés : antisémitisme, nazisme, vel d'hiv, manipulation - 1 commentaire
Macron, séductions et révulsions
Rédigé par hamlet le 18 juin 2017

Classé dans : Société, Politique, Histoire - Mots clés : Macron, dépense publique, Europe, grand remplacement - 3 commentaires
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