L'attentat de la rue Nicolas-Appert
Rédigé par hamlet le 11 janvier 2015
L'attentat de Charlie Hebdo met en lumière les problèmes posés par l'Islam, en France mais aussi dans le monde.
Le 7 janvier 2015, deux individus font irruption dans les locaux de Charlie-Hebdo, à l'heure de la conférence de rédaction et tuent douze personnes, dont huit collaborateurs du journal et deux policiers, aux cris de « Allahou Akbar ». Ils réussisent à s'enfuir, et se retranchent dans une imprimerie à Dammartin-en-Goële (Seine-et-Marne). Parallèlement, un individu réalise une prise d'otage dans une supérette kasher de Paris, tuant quatre israélites. Aux deux endroits, les forces de police donnent l'assaut et abattent les tueurs. S'ensuit une avalanche de réactions de toutes les autorités civiles et religieuses. Puis l'organisation d'une manifestation à Paris, le 11 janvier. En présence d'une cinquantaine de chefs d'Etat, François Hollande déclare que "Paris est aujourd'hui la capitale du monde. Le pays tout entier va se lever vers ce qu'il a de meilleur". Ce 11 janvier, tout le monde est Charlie. Ou presque.
Depuis de nombreuses années, personne en France n'ignorait qu'un jour, cela allait arriver. Ce qui était ignoré, c'était seulement le jour, et la cible. En témoigne le dispositif Vigipirate actuel, déployé dès 1991. Et nous connaissions également la nature de la menace, en l'occurrence un islam radicalisé, dont la progression est observée attentivement par les services de sécurité intérieure, qui ont déjoué discrètement de nombreuses tentatives terroristes ces dernières années.
Si l'on en croit l'opinion dominante, les pires racistes islamophobes sont Zemmour, Dieudonné, Soral, Camus, la famille Le Pen, et tout ce qui, de près ou de loin, peut être assimilé à l'extrème droite et à des opposants au "vivre-ensemble". C'est bien à ce titre que le parti de Marine Le Pen a été exclu des manifestations d'unité nationale autour des "valeurs de la République". Mais au lieu de ces monstres, les tueurs ont choisi pour cible les collaborateurs d'un journal à la gloire éteinte, tirant péniblement à 30.000 exemplaires. Certes le fond de commerce de Charlie était l'irrévérence vis à vis des musulmans, comme des chrétiens ou des juifs, mais personne ne se serait risqué à leur faire un procès pour islamophobie. Les réactions officielles auraient été probablement plus embarrassées si les terroristes avaient fait un choix plus conforme à la logique, en abattant Zemmour ou Marine Le Pen, par exemple.
Les méthodes du terrorisme évoluent, passant de l'utilisation des moyens exceptionnels du 11 septembre à des moyens économiques, vidéos de décapitations, ou utilisation de tueurs amateurs à Toulouse. Rue Nicolas-Appert, nous sommes face à un commando léger, mais de tueurs aguerris : ils agissent sans précipitation (prenant le temps d'identifier leurs cibles avec certitude), maîtrisant sans difficulté la protection policière dont bénéficiait Charb, avec précision (ils tirent au coup par coup, et les impacts de balles sur la voiture de police sont remarquablement groupés), et dans une cynique indifférence (ils abattent froidement, d'une seule balle tirée en courant, un policier à terre). Un point reste à améliorer, cette habitude curieuse, comme dans le cas du 11 septembre, de se munir de papiers d'identité et de les abandonner sur place. Il reste qu'avec seulement deux personnes et très peu de moyens, ils ont créé un choc comparable à celui du 11 septembre.
Si les moyens changent, la stratégie reste apparemment la même : il s'agit de créer une fracture, ou de l'accentuer, entre la faction française plus ou moins hostile à l'Islam, et celle des musulmans, estimée à 7 millions par Dalil Boubakeur. Déjà, des violences islamophobes ou francophobes, ou des actions de piratage menées par des activistes islamistes. Piège simple, mais qui a fait la preuve de son efficacité par le passé, notamment en Algérie. Difficile de dire quelle sera la prochaine cible : peut-être un lieu israélite, mais plus vraisemblablement tout objectif susceptible d'accentuer cette fracture.
Pendant que Paris s'autoproclamait capitale mondiale et pleurait ses caricaturistes, personne n'a eu de pensée pour Raif Badawi, en Arabie Saoudite, et personne n'a porté de pancarte "Je suis Asia Bibi". Pas un mot pour l'attentat de l'avant-veille : dans un marché bondé de Maiduguri, au nord-est du Nigeria, une bombe attachée sur une fillette d'une dizaine d'années a tué vingt personnes et en a blessé grièvement dix-huit autres, qui n'avaient rien demandée, ni insulté personne. Auteur présumé, Boko Haram, secte d'inspiration salafiste qui commet meurtre sur meurtre et enlèvement sur enlèvement au Nigeria. D'après Amnesty International, ils y ont tué au moins 2000 personnes ces six derniers mois. Personne n'a parlé des Irakiens, qui fuient les tueurs et les violeurs de l'Etat Islamique. Ils ont une branche en Libye, aussi, qui y comment les mêmes exactions, et vient de tuer deux journalistes tunisiens. Pas de manifestation pour les 132 enfants tués en Afghanistan par les talibans. Personne n'a manifesté pour les Syriens, où les djihadistes ont remis en honneur la crucifixion pour ceux qui refusent de prononcer la chahada (profession de foi musulmane). Et la Somalie. Et la Corée du Nord. Et tant d'autres...
L'UOIF, comme le CFCM, ont produit des communiqués condamnant ces attentats. Cependant, aucun de ces deux communiqués d'organisations confessionnelles n'affirment formellement que l'acte est contraire à l'Islam ou aux volontés du Prophète. Le bât blesse à l'endroit de certaines sourates, qui sont littéralement des appels au meurtre. Tant que l'Islam n'aura pas réglé le problème d'interprétation de ces sourates, nous aurons d'autre Charlie, et ce n'est pas le nihilisme occidental qui pourra les aider. Voix exceptionnelle autant que courageuse, le Maréchal-Président Al Sissi, devant une des plus prestigieuses instance intellectuelles musulmanes, la mosquée Al-Azhar, venait d'appeler le monde islamique à réfléchir sur une adaptation urgence du discours islamique. Sans commentaires de la part des instances musulmanes sur le sol de France.
En attendant, que faire de l'Islam en France ? Au lendemain de cette manifestation monstre, la France va chercher des réponses. Avec des contraintes qui n'existaient pas il y a quarante ans. Eu égard au courage et à la créativité de notre classe politique, engluée intellectuellement dans un nihilisme stérile, il est probable que ces réponses ne soient que des ajustements paramétriques des réponses précédentes : plus de dispositifs sécuritaires, et moins de libertés. Mais comme en face, les curseurs bougent plus vite, nous aurons d'autres Charlie tant que nous ne nous intéresserons pas aux causes. C'est dire si tout optimisme est déplacé pour les années qui viennent.
Alors c'est bien, d'être Charlie. Moi, c'est France, et c'est Liberté.
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Justine de La Barre
Rédigé par hamlet le 24 décembre 2013
Justine Sacco était la directrice de la communication d'IAC, un grand groupe de New York. Partant passer ses vacances de Noël en Afrique du Sud, pays dans lequel elle est née, elle poste un tweet sous sa propre identité : "Going to Africa. Hope I don't get AIDS. Just kidding. I'm white" (Je pars en Afrique. J'espère ne pas attraper le Sida. Je blague. Je suis blanche), éteint son smartphone, et embarque dans son avion.
Dix heures plus tard, elle atterrit au Cap, rallume son smartphone, et là, c'est la catastrophe. En son absence, son tweet a été repris par buzzfeed.com, et a suscité un tollé mondial d'indignations, de condamnations, d'insultes. Justine ferme ses comptes Twitter et Facebook, mais trop tard. Son employeur la licencie immédiatement, et efface son nom du site d'IAC, malgré ses excuses publiques.
A contrario, il faut apprécier la réaction primaire de la brute militaire sanguinaire et bornée qui commande l'opération Sangaris en Centrafrique, le colonel Jaron. Confronté au scandale également mondial de la photographie d'un de ses militaires portant sur l'épaule la devise "Meine Ehre heißt Treue", utilisée par la Schutzstaffel (SS) à partir de 1932, et dont l'utilisation est interdite en Autriche, celui-ci répondit : "On n'interviendra que lorsque les faits seront établis par l'enquête".
On s'est beaucoup moqué de l'obscurantisme de la fin du XVIII° siècle, qui vit l'exécution du Chevalier de La Barre, en 1766, pour blasphème et sacrilège (il est en réalité fort probable qu'il fut la victime d'un magistrat corrompu, désirant se venger de sa famille).
Très vite, soutenu par Voltaire, La Barre devint le symbole des victimes de l'intolérance religieuse, alors que notre époque éclairée présente cette célèbre citation "Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai pour que vous ayez le droit de le dire"* comme le manifeste intellectuel de la lutte pour la libre-pensée, fut-elle blasphématoire.
Force est de constater que le XXI° siècle ne fait pas vraiment mieux que le siècle de Louis XV : procès mené sans autre juge qu'une vindicte à demi-anonyme, insultes, absence de qualification de la faute, accusée sans possibilité de défense, et condamnation immédiate, non plus à mort, mais à la perte de son travail, voire au statut de nonêtre** par la suppression de son existence numérique, non seulement sur les réseaux sociaux, mais sur le site de son employeur.
Si l'on considère que la condamnation de La Barre n'est pas le fait du sacrilège que le magistrat lui à fait endosser, et qui n'était plus passible de mort depuis 1666, mais que sa condamnation relève d'intrigues humaines et politiques, François-Jean de La Barre n'est pas un martyr de l'intolérance. Alors que dans le cas de Justine Sacco, il s'agit bien d'une condamnation pour blasphème.
Technologie aidant, nulle opinion sacrilège ne passe désormais plus au travers des filets de l'orthodoxie. Il s'agit juste d'un changement de religion.
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* Cette citation est souvent attribuée à Voltaire, mais il s'agit d'un pur apocryphe.
** cf 1984, le célèbre roman d'Orwell
** cf 1984, le célèbre roman d'Orwell
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